Psychothérapie Intégrative Articles
Le Questionnement, l'Harmonisation et l'Implication dans la Psychothérapie de la Dissociation
Richard G. Erskine
Traduction : Hélène CADOT
Cet article distille un quart de siècle d'expérience en tant que psychothérapeute de clients qui ont recours à la dissociation comme stratégie pour s'en sortir avec les événements traumatiques et stressants.
Les plus grands défis, dans mon évolution professionnelle, sont issus de mes erreurs thérapeutiques - erreurs qui ont montré soit de l'inefficacité, soit le renforcement des défenses qui résulte des méthodes de questionnement, de confrontation, de l'explication et des techniques de changement comportemental, de redécision et de reparentage.
Lorsque nous utilisons de telles méthodes, en tant que psychothérapeutes, souvent, il nous arrive de ne pas accorder assez de valeur à la vulnérabilité du client et à son besoin d'auto-protection ; nous portons atteinte à l'intégrité du client qui construit son système pour donner du sens, et nous ne nous rendons pas compte à quel point nos interventions risquent d'augmenter le sentiment de honte du client, porteur de ses expériences et de ses défenses.
Mon expérience clinique a montré que la défense par dissociation ne découle pas seulement d'expériences traumatiques, mais, au moins autant, sinon plus, du manque de relation protectrice et restauratrice. C'est pourquoi, les clients qui utilisent la dissociation ont besoin d'une psychothérapie-orientée-vers-la-relation qui mette l'accent sur le contact, par un questionnement doux vers l'expérience du client, une harmonisation à l'affect de celui-ci et à son niveau développemental de fonctionnement, ainsi qu'une implication interpersonnelle apte à procurer de la consistance et la possibilité d'être dépendant, grâce à : la reconnaissance, la validation, la normalisation, et à la présence fiable du thérapeute.
Je vous invite à partager mon voyage professionnel, autour des expériences thérapeutiques et les méthodes que je présente ici, pour que nous puissions ensemble développer une psychothérapie encore plus efficace.
Les défenses dissociatives
La dissociation est un processus défensif complexe, qui maintient la stabilité mentale et physique.
Lors d'une expérience traumatique, la dissociation permet à la personne de se retirer elle-même, cognitivement et émotionnellement de l'expérience, de s'adapter physiquement et
de se conformer, comportementalement, aux exigences externes.
Prolonger la dissociation après un événement traumatique permet à la personne de se désengager des besoins et émotions qui s'y rapportent, et de s'échapper du souvenir et de son impact dévastateur.
La dissociation est une défense prédominante dans les troubles des personnalités multiples, dans le syndrome du stress post traumatique, et dans la personnalité schizoïde. On la trouve également dans des désordres de personnalité moins prononcés, souvent masqués par de l'anxiété ou de la dépression.
La présence de dissociation est un indicateur très fiable d'abus précoces mentaux, physiques et/ou sexuels.
Il peut arriver que la dissociation soit une réaction à un abandon précoce, à une douleur grave, à des expériences de personnes qui ont "frôlé la mort", et/ou à des négligences prolongées.
Ces expériences qui débordent la personne, généralement (mais pas toujours) dans l'enfance, sont de nature à menacer sa stabilité cognitive et émotionnelle, sa sécurité physique et, parfois, sa vie même.
Les défenses psychologiques protègent contre la douleur des stimuli qui écrasent, des besoins non satisfaits, et des émotions non exprimées.
Pour se débrouiller dans la vie et s'adapter du mieux qu'elles peuvent, de nombreuses personnes gardent leurs besoins, sentiments et souvenirs traumatiques hors de la conscience.
Ceci aboutit à la fixation des défenses - le maintien habituel, aujourd'hui, de modèles indiquant comment s'y prendre, et de défense psychologique qui ont été nécessaires autrefois -
Ces défenses fixées interrompent la capacité d'un individu à être en plein contact à la fois avec lui-même, et, extérieurement, avec les autres.
C'est à cause de la fixation des défenses qui interrompent le contact, que les expériences traumatiques restent dissociées, comme des états séparés du moi ou du soi, au lieu de s'intégrer dans un tout ici-et-maintenant - un moi néopsychique.
Le moi néopsychique - à tout âge - est un processus perpétuellement en train de contacter, intégrer, et d'émerger.
Si une personne traumatisée a également souffert d'un manque de contact dans la relation de soin, l'expérience clinique indique qu'il y a fort peu de chances que l'expérience traumatique soit intégrée. Les besoins non satisfaits d'empathie, de contact nourricier et de protection lors du traumatisme ne sont ni reconnus ni validés de façon satisfaisante, ce qui se combine avec le trauma.
Ceci initie le processus d'isolation de l'expérience, hors de la conscience et, dans les situations les plus extrêmes, peut conduire jusqu'à isoler des aspects du soi, hors de la conscience.
La personne doit alors s'engager dans une série complexe de défenses, pour limiter le contact interne, et pour encapsuler la conscience de l'expérience traumatisante, les sentiments qui s'y réfèrent, et les besoins non satisfaits. Ces besoins, sentiments et expériences résident dans le moi, dans un état séparé de conscience, qui ne contacte ni n'est contactable. C'est pourquoi le trauma fixé ne s'intègre pas au fur et à mesure des expériences et apprentissages ultérieurs.
La fragmentation du moi et la dissociation
Consécutivement à toute expérience traumatisante, apparaît un besoin intense de trouver une autre personne fiable, apte à répondre de façon empathique aux réactions émotionnelles extrêmes et aux besoins non satisfaits, à s'harmoniser à l'indicible, à offrir une compréhension réaliste de ce qui s'est passé, et à procurer la sécurité grâce à une implication soutenue, et à la résolution de problèmes.
La dissociation commence du fait de ceux qui, dans la vie de la personne, n'ont pas réussi à remplir les fonctions restauratrices et nourricières nécessaires. Dans beaucoup de situations d'inceste, l'enfant s'est entendu dire qu'il ou elle "aimait ça", ou bien le retrait et la dépression de l'enfant ont été ignorées par les adultes.
Or, sans harmonisation, validation et transactions empathiques, de la part d'une personne qui compte pour lui, un enfant va faire tout ce qu'il peut pour profondément sous séquestre ses sentiments, besoins et souvenirs, parfois à un point tel qu'il ne se rend même plus compte de son besoin d'être en relation.
C'est cela, le processus de la fragmentation du moi et de la dissociation.
Le Contact : Questionnement, Harmonisation et Implication
Le contact, sur le plan interne, c'est la pleine conscience des sensations internes, sentiments, besoins, activité sensori-motrice, pensées et souvenirs tandis que, sur le plan externe, il implique le glissement rapide à la pleine conscience des événements externes, tels qu'ils sont enregistrés par chacun des organes sensoriels. C'est le plein contact, interne et externe, qui permet d'intégrer continuellement les expériences. Les défenses interrompent le plein contact et entravent la conscience, interne et/ou externe. Le contact est donc le moyen par lequel le processus de dissociation peut être dissous, et grâce auquel les expériences traumatisantes, besoins cachés, et émotions peuvent être intégrés au sein d'un sentiment cohérent du soi (un moi néopsychique).
Le contact se réfère également à la qualité des transactions entre deux personnes, c'est-à-dire la pleine conscience, pour chacune, de son soi et de l'autre, comme cela se produit dans les rencontres authentiques et sensibles.
L'un des principes qui guident la psychothérapie-orientée-vers-le-contact, c'est le respect pour l'intégrité du client. Grâce au respect, à la gentillesse et à la compassion, le thérapeute établit une relation interpersonnelle qui affirme cette intégrité. Cette façon d'être plein de respect peut le mieux être décrite comme une invitation consistante à un contact interpersonnel, entre client et thérapeute, comportant un soutien simultané au client, dans le contact qu'il vit avec son expérience interne, et dans la reconnaissance externe de cette expérience, qu'il reçoit de la part du thérapeute.
Le retrait hors du contact peut souvent être identifié et discuté, mais le client n'est jamais forcé,
coincé ou amené par ruse dans une ouverture plus grande que celle qu'il/elle est prêt à gérer.
Le contact entre client et thérapeute est le contexte thérapeutique dans lequel le client explore ses sentiments, besoins, souvenirs, et perceptions. Un tel contact est possible si le thérapeute est pleinement présent, c'est-à-dire harmonisé avec son ou ses propres processus internes et conduites externes, constamment conscient de la frontière entre lui-même et le client, et s'il est un observateur "pointu" des dynamiques psychiques à l'oeuvre chez le client.
Le contact, au sein de la psychothérapie, est comme l'infrastructure d'un bâtiment : elle n'est pas visible, mais elle ceint et soutient tout ce qui est au-dessus du sol. Le contact procure la sécurité qui permet au client de laisser tomber ses défenses, de ressentir à nouveau, et de se souvenir.
La psychothérapie commence souvent par une conversation et un engagement dans un processus de contrat. La négociation progressive de contrats thérapeutiques est un élément important, qui compte dans l'établissement d'une relation thérapeutique pleine de contact.
Quant aux traumas qui produisent les défenses, y compris la dissociation, ils apparaissent habituellement dans des situations où le client n'a pas pu négocier en tenant compte de ses propres besoins de sécurité physique et mentale ; et où, bien au contraire, il a été privé de la signification de l'impact, de son estimation, et d'efficacité.
Plutôt que de se fier à la négociation comme moyen d'aboutir à la satisfaction de leurs besoins, ce type de clients risque d'anticiper soit d'être submergé, soit d'avoir à utiliser de puissantes méthodes de manipulation ou de contrôle, incluant la dissociation. C'est pourquoi le recours aux contrats est une partie essentielle du contact thérapeutique préalable avec les clients qui dissocient, (peut-être plus encore qu'avec d'autres clients), car leur être mental et/ou physique a été violé.
Lorsque les expériences sont remémorées ou revécues activement, il est important d'avoir un contrat qui définisse spécifiquement, à l'avance, le territoire thérapeutique. Dans la thérapie, des expériences remémorées de façon très vive peuvent surgir, à la surprise du client et du thérapeute. Ces souvenirs spontanés ne sont pas forcément prévisibles, et les réponses spécifiques à y faire ne peuvent pas toujours être négociées antérieurement. C'est pourquoi, il est nécessaire de conclure un accord précisant à l'avance, comment le client peut signaler que l'expérience est en train de le submerger et comment le thérapeute arrêtera l'intervention.
Certains clients, par exemple, utilisaient un terme spécifique pour indiquer une série entière de sentiments, besoins, et défenses imminentes ; d'autres avaient des gestes, ou des sons.
Le questionnement
Le questionnement est constamment au coeur de la psychothérapie-orientée-vers-le-contact.
Il commence avec l'hypothèse que le thérapeute ne connaît rien de l'expérience du client, et doit donc continuellement tendre vers la compréhension du sens subjectif revêtu par le comportement du client et par son processus intrapsychique.
Le résultat d'une investigation pleine de respect de l'expérience phénoménologique du client, c'est que celui-ci devient de plus en plus conscient de ses besoins, sentiments et comportements, tant archaïques qu'actuels. C'est dans une pleine conscience et en l'absence de défenses internes que les besoins et sentiments qui étaient fixés consécutivement aux traumatismes du passé, vont être intégrés dans un moi néopsychique fonctionnement pleinement.
Le processus du questionnement est aussi important, sinon plus, que le contenu.
Le questionnement par le thérapeute doit être en empathie avec l'expérience subjective du client, pour être efficace dans la découverte et le dévoilement des phénomènes internes (sensations physiques, sentiments, pensées, significations, croyances, décisions, espoirs et souvenirs), et dans la mise à jour des interruptions de contact, internes comme externes.
Le questionnement implique une centration continue sur l'affect qu'expérimente le client, sa motivation, ses croyances, ou ses fantasmes, et pas seulement sur son comportement ou sur un problème à résoudre.
Le questionnement commence par un intérêt sincère pour l'expérience subjective du client et la construction du sens. Cela consiste en questions posées par le thérapeute, sur ce que le client ressent, comment il ressent à la fois lui-même et les autres (incluant le psychothérapeute), et sur les conclusions auxquelles il aboutit. Cela peut se poursuivre par des questions historiques sur le moment où telle expérience a eu lieu, et qui était important dans la vie de la personne à cette époque.
Dans le traitement de la dissociation, le questionnement est utilisé dans la phase préparatoire de la thérapie pour augmenter la conscience du client en ce qui concerne quand et comment il/elle dissocie. Cela suppose de mener une investigation dans l'expérience du client, concernant les interruptions de contact qui constituent la dissociation. Que fait-il/elle ?
A-t-il/elle recours à des activités auto-hypnotiques ? Certains clients relatent qu'ils roulent leurs yeux en arrière, se rapetissent à l'intérieur, ou agitent un doigt.
Lorsqu'on traite un client qui dissocie, il est important d'établir la fonction de la dissociation se rapportant aux besoins de la personne globale, et aux besoins des états du moi dissociés.
En cas de personnalités multiples, on peut demander à chaque partie : "quel est ton rôle" ?
Chaque personnalité peut avoir à accomplir une fonction spécifique, comme d'exprimer un sentiment particulier (seulement la tristesse, ou seulement la colère), s'engager dans une défense isolée (nettoyage compulsif ou amnésie), ou de s'en sortir avec les exigences de la vie (organisation ou productivité).
Souvent, une des personnalités remplit une fonction protectrice et/ou nourricière qui a manqué par le passé, et qui fait peut-être défaut dans les relations actuelles, comme la validation, l'harmonisation aux besoins et sentiments, ou l'apport sécurisant et nourricier.
Il est indispensable de rechercher qui n'a pas rempli les fonctions qui sont nécessaires au développement et qui auraient dû l'être par une personne responsable, chargée des soins de l'enfant. Comment cette personne-là a-t-elle fait défaut ?
Il est aussi nécessaire de poser les questions permettant de savoir quelle anticipation probable fait le client concernant : comment les autres vont de nouveau lui faire défaut dans la relation ?
Cette anticipation constitue l'une des dimensions du transfert - la terreur que le traumatisme se renouvelle - et la justification du maintien de défenses contre des relations en plein contact.
Au cours d'une psychothérapie de la dissociation, il est crucial que le thérapeute comprenne le besoin unique, chez chaque client, de trouver une personne qui stabilise, valide et restaure, assumant ainsi quelques-unes des fonctions de la relation que le client tente de gérer tout seul.
Une thérapie relationnelle orientée-vers-le-contact implique que le thérapeute soit en harmonie avec ces besoins relationnels, et qu'il s'implique, grâce à la validation empathique des sentiments et besoins, et en apportant sécurité et soutien.
L'harmonisation
L'harmonisation est un processus à deux versants : elle implique en effet à la fois d'être pleinement conscient des sensations, besoins et sentiments d'une personne, et de lui communiquer cette conscience.
L'harmonisation nécessite la compréhension des besoins basés sur les phases de développement et les sentiments qui y sont reliés, qui ont été fixés lors de l'expérience traumatique, et qui, maintenant, ont besoin d'être exprimés.
Plus qu'une simple compréhension, l'harmonisation est une perception fine de l'autre, émotionnelle et kinesthésique, une approche de son expérience en se mettant, métaphoriquement, dans sa peau.
Une harmonisation efficace nécessite également que le thérapeute reste en même temps conscient de la frontière entre lui et le client, ce qui est facilité lorsqu'on se centre sur le client à l'âge développemental où le trauma est survenu, et et en connaissant ce qu'une personne traumatisée de cet âge est tentée d'exprimer, ce dont il/elle a besoin, sur son chemin vers l'expression des besoins, et son besoin d'une relation protectrice, sécurisante et validante, avec une personne qui prend soin d'elle.
Communiquer l'harmonisation valide les besoins et sentiments du client, et pose la fondation
nécessaire pour réparer les échecs des relations précédentes.
L'harmonisation peut ressortir de ce que l'on dit, par exemple : "tu as mal", "tu semblais effrayé", ou "tu avais besoin que quelqu'un soit là, près de toi". Plus fréquemment, elle est communiquée par les mouvements faciaux ou corporels du thérapeute, qui signalent au client que son affect existe, qu'il est perçu comme signifiant par le thérapeute, et qu'il exerce un impact sur ce dernier.
L'harmonisation est souvent vécue par le client comme un déplacement du thérapeute, passant doucement à travers les défenses qui protègent le client de la conscience du traumatisme et des besoins et sentiments qui y sont corrélés, et comme une façon de prendre contact avec les parties de l'état du moi Enfant du client, oubliées pendant longtemps.
Avec le temps, cela aboutit à une diminution des interruptions externes du contact, et à une dissolution correspondante des défenses internes. Les besoins et sentiments peuvent alors être de plus en plus exprimés, avec le confort et l'assurance qu'ils rencontreront une réponse empathique.
Souvent, l'harmonisation procure un sentiment de sécurité et de stabilité qui rend apte le client à commencer à se remémorer, à supporter la régression dans l'expérience traumatique, devenant pleinement conscient de la douleur du trauma, de l'échec de la relation, et de la perte du sentiment de soi.
La juxtaposition
La juxtaposition de l'harmonisation du thérapeute avec le souvenir du manque d'harmonisation dans les relations antérieures importantes, produit des souvenirs intenses et émotionnels de besoins non satisfaits. Plutôt que ressentir ces sentiments, le client risque de réagir défensivement au contact offert par le thérapeute, avec de la peur, de la colère, ou éventuellement une plus grande dissociation. Le contraste entre le contact disponible avec le thérapeute et le manque de contact dans le trauma originel est souvent plus que n'en peuvent supporter les clients, et, donc ils se défendent contre le contact actuel pour éviter les souvenirs émotionnels.
Il est important que le thérapeute travaille en finesse avec le processus de juxtaposition. L'affect et le comportement exprimés par le client sont une tentative pour désavouer les souvenirs émotionnels. Les thérapeutes qui ne tiennent pas compte du caractère défensif de ces réactions risquent de confondre la réaction de juxtaposition avec un transfert négatif, et de ressentir des sentiments intenses de contre-transfert, en réponse à l'évitement, par le client, du contact interpersonnel.
Le concept de juxtaposition aide les thérapeutes à comprendre la difficulté intense rencontrée par le client face au contraste entre le contact actuel, offert par le thérapeute, et la conscience que les besoins d'une relation de contact n'ont pas été satisfaits jadis.
Les réactions de juxtaposition peuvent signaler que le thérapeute procède plus vite que le client ne peut assimiler. Souvent, il est avisé de revenir au contrat thérapeutique et de clarifier le but de la thérapie. Quant à expliquer le concept de juxtaposition, c'est parfois bénéfique, dans certaines situations. Le plus souvent, un questionnement précautionneux vers l'expérience phénoménologique de l'interruption de contact qui vient d'avoir lieu, va révéler les souvenirs émotionnels de déception et de relations douloureuses.
Une fois dissoutes les interruptions de contact, la relation offerte par le thérapeute procure au client un sentiment de validation, de soin, de soutien et de compréhension - "il y a là quelqu'un pour moi"-. Cette implication est un facteur essentiel pour dissoudre les défenses qui constituent la dissociation, et pour résoudre puis intégrer les traumatismes antérieurs, et les relations non payées de retour.
L'implication
C'est via la perception du client lui-même que l'on peut le mieux saisir l'implication ; c'est le sentiment que le thérapeute est pleinement en contact. Elle a lieu lors du questionnement empathique du thérapeute vers l'expérience du client, et se développe par l'harmonisation du thérapeute avec l'affect du client, et par la validation des besoins de celui-ci.
L'implication est le résultat de la présence plénière du thérapeute, avec et pour le client, d'une manière appropriée au niveau développemental du client. Elle inclut un intérêt sincère pour le monde intrapsychique et interpersonnel du client, et une communication de cet intérêt grâce à l'attention, le questionnement, et la patience.
L'implication commence par l'engagement du thérapeute dans le bien-être du client, et le respect pour son expérience phénoménologique. Le plein contact devient possible lorsque le client fait l'expérience que le thérapeute :
1/ respecte chaque défense
2/ reste harmonisé à ses affects et ses besoins
3/ est sensible au fonctionnement psychologique à l'âge développemental où le(s)
traumatisme(s) a eu lieu
4/ s'intéresse à comprendre la façon dont le client a construit le sens du/des traumatisme(s)
La série complexe de défenses qui constituent la dissociation a été érigée en l'absence de l'implication attentive et respectueuse d'une personne fiable et dont on peut dépendre.
Les clients qui s'en sont remis à la dissociation comme mesure protectrice ont fait l'expérience qu'ils devaient se protéger et se réconforter eux-mêmes face à des stimuli qui les heurtent et les débordent. C'est en l'absence d'un contact fiable et consistant, satisfaisant les besoins, avec une personne fiable, que les défenses se fixent.
L'implication thérapeutique qui met l'accent sur la reconnaissance, la validation, la normalisation et la présence, diminue l'activité de méconnaissance interne qui est une partie de la dissociation. Cet engagement permet aux expériences niées et aux sentiments désavoués autrefois, de remonter pleinement à la conscience.
La reconnaissance par le thérapeute des sentiments du client commence avec l'harmonisation à l'affect de celui-ci, même si l'affect demeure inexprimé.
Par la sensibilité à l'expression physiologique des émotions, le thérapeute guide le client pour qu'il exprime son/ses sentiments, ou pour qu'il reconnaisse que ses sentiments et ses sensations physiques sont peut-être le souvenir - le seul souvenir disponible.
Par exemple, si les yeux de la personne étaient fermés lors du traumatisme, il peut n'y avoir aucun souvenir visuel. Dans d'autres situations, l'enfant était peut-être trop petit pour avoir une mémoire cognitive. Dans bien des cas de traumatismes, les sentiments de la personne n'ont pas été reconnus, et il peut s'avérer nécessaire, au cours de la psychothérapie, à aider ces individus à développer un vocabulaire au moyen duquel ils donneront une voix à ces sentiments.
La reconnaissance des sensations physiques et de l'affect aide le client à revendiquer son expérience phénoménologique propre. La reconnaissance inclut un tiers réceptif, qui connaisse et communique au sujet de l'existence de mouvements non verbaux, tension de muscles, affect, ou même fantasmes.
Il a pu y avoir, dans la vie de certains clients, des époques où leurs sentiments ont été reconnus, mais pas validés. La validation communique au client que son ou ses affects ou sensations physiques sont reliés à quelque chose de significatif. La validation relie les causes et les effets. Par exemple : "d'après ce que tu as décrit, tu te sens triste parce que personne n'était là pour toi", ou "tes fantasmes et tes rêves disent quelque chose d'important".
La validation diminue le recours par le client, à la méconnaissance interne de la signification
de l'affect, d'une sensation physique, d'un souvenir ou de rêves. Elle rehausse pour lui, la valeur de son expérience phénoménologique, et donc le sentiment de son estime de lui-même.
Quant à la normalisation, elle dé-pathologise la catégorisation ou définition, par le client, ou les autres, de l'expérience interne, ou des tentatives comportementales pour se débrouiller avec les effets du traumatisme.
Dans certaines conditions extrêmes, il est normal de dissocier.
Il peut s'avérer indispensable que les thérapeutes contrent les messages sociétaux ou parentaux tels que "tu es complètement fou d'avoir peur", avec : "n'importe qui serait effrayé, dans cette situation".
Bien des flash-backs, fantasmes bizarres, et cauchemars, ainsi que beaucoup d'états de confusion, de panique et d'états défensifs, sont les phénomènes normaux pour s'en sortir, dans des situations anormales.
Il est alors impératif que le thérapeute communique au client que son expérience est une réaction défensive normale et non pathologique.
La présence est procurée par les réponses empathiques soutenues du thérapeute, en direction des expressions tant verbales que non verbales du client. Elle se produit lorsque le comportement et la communication du thérapeute respectent et accroissent l'intégrité du client.
La présence inclut la réceptivité du thérapeute à l'affect du client, c'est-à-dire recevoir l'impact des émotions du client, en être ému, et cependant, ne pas devenir anxieux, déprimé ou en colère. La présence est une expression de la disponibilité du psychothérapeute pour un plein contact , interne et externe. Elle communique la responsabilité, la fiabilité du thérapeute, et la possibilité de dépendre de lui.
Se remémorer des expériences traumatiques et des négligences graves peut être effrayant et douloureux pour le client ; c'est pourquoi l'implication du thérapeute est maintenue par sa vigilance constante, pour procurer un environnement et une relation qui soient sûrs et sécurisants.
Le thérapeute, nécessairement, doit être en permanence harmonisé à la capacité du client à tolérer la conscience émergente de l'expérience traumatique, de sorte que celui-ci ne soit pas submergé à nouveau, dans la thérapie, comme il l'a été lors de la situation traumatique originelle.
Lorsque le questionnement en direction des expériences phénoménologiques du client et les régressions thérapeutiques se déroulent dans un environnement calmant et contenant, les défenses fixées se relâchent et les besoins et sentiments qui dérivent de l'expérience traumatique sont intégrés.
L'implication du psychothérapeute - à travers des transactions qui reconnaissent, valident et normalisent l'expérience phénoménologique du client, et qui soutiennent une présence empathique - favorise la puissance thérapeutique, qui permet au client de dépendre de la relation, en toute sécurité. La puissance est le résultat de l'engagement qui communique que le thérapeute est pleinement investi dans le bien-être du client.
La reconnaissance, la validation, et la normalisation procurent au client la permission de connaître ses sentiments, de donner de la valeur à la signification de ses affects, et de les relier à des événements actuels ou anticipés.
Ce type de permission thérapeutique à diminuer les défenses, à connaître ses sensations physiques, sentiments et souvenirs, et à les révéler, ne doit venir qu'après que le client ait expérimenté la protection à l'intérieur de l'environnement thérapeutique.
Une telle protection thérapeutique est fournie adéquatement seulement après l'évaluation complète des dynamiques qui se rapportent à la punition intrapsychique, et lorsque le client se sent en sécurité.
La punition intrapsychique comporte la perte, ressentie par l'enfant, du lien ou de l'attachement, la honte, ou la menace d'un châtiment.
Les interventions protectrices peuvent inclure le soutien à une dépendance régressive, à procurer un environnement fiable et sûr dans lequel le client peut redécouvrir ce qui a été dissocié, et un cheminement dans la thérapie, tel que les expériences puissent être pleinement intégrées.
Mettre de côté certains souvenirs jusqu'à ce que d'autres soient réglés est une façon de s'assurer que le client ne sera pas inondé d'une anxiété submergeante.
Par exemple, pour une cliente, les souvenirs traumatiques sont d'abord apparus dans des cauchemars. Elle était souvent submergée par la terreur et épuisée par le manque de sommeil. Périodiquement, elle était encouragée à arrêter de rêver, jusqu'à ce que le matériel déjà rêvé soit éclairci et perlaboré. Une fois qu'elle eût relié ses rêves à des souvenirs d'événements de l'enfance, et qu'elle eût compris et résolu les ramifications de ces événements dans sa vie adulte, le thérapeute l'encouragea à rêver un nouvel épisode. La cliente fut également encouragée à dessiner ses rêves sur du papier à dessin, pour qu'elle puisse retourner dormir ou se concentrer sur son travail le lendemain. Elle apportait les dessins aux séances de thérapie, ils lui servaient d'aide pour se rappeler et déchiffrer les rêves. Remettre à plus tard, ou dessiner ses rêves servait de protection contre des sensations submergeantes.
Il peut se produire qu'un client tente de provoquer l'harmonisation et la compréhension, en agissant ("acting out") un problème qui ne peut être exprimé d'aucune autre façon. Ce type d'expressions par l'"acting out" sont simultanément une déflection défensive par rapport aux souvenirs émotionnels, et aussi une tentative pour communiquer les conflits internes.
Les confrontations et les explications sont susceptibles d'intensifier les défenses, ce qui rendra la conscience des besoins et sentiments encore moins accessible.
L'implication inclut un questionnement doux et respectueux en direction de l'expérience interne reliée à l'"acting out". L'intérêt sincère du thérapeute et sa façon d'honorer ce qu'on lui communique, souvent non verbalement, est un aspect essentiel de l'implication thérapeutique.
L'implication peut inclure le fait, de la part du thérapeute, de faciliter activement chez le client, sa déconstruction des rétroflexions répressives, et de l'inhibition des réponses actives, telles que crier à l'aide ou se bagarrer pour se défendre. La révélation, à bon escient, par le thérapeute, de ses réactions internes ou de sa compassion est une autre expression de son implication. Cela peut également inclure la réponse à des besoins développementaux antérieurs d'une manière qui, symboliquement, représente la satisfaction du besoin, mais le but de la thérapie-orientée-vers-le-contact n'est pas la satisfaction des besoins archaïques.
Son objectif est plutôt la dissolution des défenses fixées, qui interrompent le contact, qui interfèrent avec la satisfaction des besoins actuels et avec le plein contact, avec soi-même et les autres.
Ceci est souvent accompli en travaillant sur la dimension transférentielle, pour permettre au conflit intrapsychique de s'exprimer à l'intérieur de la relation thérapeutique, et de trouver une réponse au travers de transactions empathiques appropriées.
conclusion
Dans le travail avec les clients présentant des dissociations, une psychothérapie-orientée-vers-le-contact faisant appel au questionnement, à l'harmonisation et à l'implication, répond aux besoins actuels de l'individu, de trouver une relation nourricière émotionnellement, et qui soit restauratrice ainsi que soutenante.
Le but de la thérapie est l'intégration des expériences chargées d'affects et la réorganisation intrapsychique des croyances du client sur lui-même, les autres et la qualité de la vie.
Le contact facilite la dissolution des défenses et l'intégration des parties dissociées de la personnalité. Par le contact, les expériences non appropriées, inconscientes et non résolues deviennent partie intégrante d'un soi cohérent.
Grâce à l'intégration, il devient possible à la personne, de faire face à chaque moment avec spontaneité et souplesse, à la résolution des problèmes de la vie ainsi qu'au lien avec les autres, sans avoir recours