Artigos de Psicoterapia Integrativa
Que dites-vous avant de dire au revoir?: Psychothérapie du deuil.
Richard Erskine
TAJ avril 2014 ; Vol 44, p 279 à 290
Traduction Grace Slottje, octobre 2017
«Donnez les mots à la peine. Le deuil qui ne parle pas.»
(W. Shakespeare, Macbeth, acte IV, scène iii, ligne 208)
Eric Berne a posé la question: «Que dites-vous après avoir dit bonjour?». Dans son livre, Berne (1972) se centre sur:
● l’influence des premiers protocoles relationnels
● la programmation parentale
● les contes de fées et fantastiques
● les décisions explicites
● les dilemmes existentiels dans la formation des scénarios de vie.
Berne décrit, comment des schémas comportementaux auto-protecteurs, des conclusions scénariques implicites et explicites inhibent la spontanéité et la flexibilité dans la résolution de problèmes et dans les relations. Toutefois, il n’a jamais soulevé cette autre question essentielle, «Que dites-vous avant de dire au revoir?».
La littérature en Analyse Transactionnelle n’a pas traité de façon adéquate la nature de la psychothérapie pour des clients confrontés à des pertes importantes dans leur vie par décès, divorce, problèmes de santé ou perte d’emploi.
Une recherche dans les archives du Journal de l’Analyse transactionnelle a montré qu’il n’y a pas d’articles qui abordent directement les sujets du deuil, de la tristesse ou de la mélancolie. Fred Clark (2001) se rapproche le plus du sujet quand il utilise les cinq étapes du deuil de Kübler-Ross (1969) comme modèle pour décrire les processus de la psychothérapie. Toutefois, il n’a pas fait le lien entre les cinq étapes et la résolution de la douleur du client.
Dans les années 1990, Elaine Childs-Gowel a mené une série d’ateliers sur la psychothérapie du deuil lors de la Conférence annuelle de l’Association internationale de l’Analyse transactionnelle. Elle s’est concentrée sur comment les thérapeutes peuvent créer ce qu’elle appelle «des rituels de bon deuil», pour aider les clients endeuillés à dire un dernier adieu à leurs proches. Bob et Mary Goulding abordent brièvement la psychothérapie du deuil dans leur livre:«Changer des vies par la thérapie de la Redécision» (1979). Ils identifient le deuil comme l’incapacité de dire «Au Revoir» et présentent une «formule pour dire au revoir»:
1) Faits
2) Affaires en suspens
3) Cérémonie de «Au Revoir»,
4) Deuil
5) « Bonjour à aujourd’hui » (p.175).
La littérature professionnelle sur la psychothérapie du chagrin, de la perte et du deuil, regorge d’articles qui portent sur :
- Différentes étapes du deuil (Kübler-Ross, 1969; Axelrod, 2006; Friedman, R, 2009)
- Complications dans le processus naturel de deuil (Bowlby, 1980; Wetherell, 2012)
- Le traitement du désespoir et de la colère (Greenwald, 2013)
- Le deuil comme interruption de l’attachement (Parkes, 1986)
- Comment le deuil peut potentialiser d’autres problèmes de santé mentale (Greenwald, 2013)
- Divers modèles de traitement (Clark, A., 2004; Hensley, 2006)
- L’attention sur la nécessité de relations de soutien de la famille, en thérapie et dans la Communauté (Olders, 1989).
En général, ces auteurs ont tendance à mettre l’accent dans le traitement du chagrin, sur l’acceptation de la perte, la compréhension de la nécessité de relations soutenantes et bienveillantes, un temps suffisant pour la guérison de la perte et le développement de nouveaux intérêts et activités (Wetherell, 2012).
Dans son essai, «Deuil et mélancolie», Sigmund Freud écrit à propos du chagrin et clarifie la différence entre deuil et mélancolie. Il décrit le deuil comme «une réaction normale et régulière à la perte d’une personne aimée» (1917, p.243). Freud continue à décrire le deuil comme une réponse consciente à une mort spécifique. Il considère le deuil non pathologique, parce que c’est une réaction normale aux événements qui est généralement surmonté avec le temps. Au cours de la période de deuil, la personne se rend compte que la personne aimée est vraiment partie. En conséquence, elle souffre d’une perte d’intérêt et d’une inhibition dans les activités, d’un sentiment d’abattement et d’une incapacité à aimer. Des symptômes semblables sont présents dans la mélancolie, cependant, dans le deuil se produit finalement une acceptation de la perte et la personne revient lentement à son état normal.
La Mélancolie est omniprésente, inconsciente et continue. Elle est marquée par une relation ambivalente où il y a une réaction d’amour et de haine de l’autre personne, qui est souvent accompagnée d’angoisse et d’une diminution de l’estime de soi. Freud dit: «dans le deuil, c’est le monde qui est devenu pauvre et vide; dans la mélancolie, c’est l’égo lui-même» (1917, p.246). Bien que le terme «mélancolie» ne soit pas dans l’usage courant aujourd'hui, Freud décrit certaines dynamiques du deuil prolongé.
Deuil prolongé et deuil compliqué sont deux termes qui décrivent une douleur persistante qui est émotionnellement paralysante et qui interfère avec les relations actuelles. Certains des symptômes du deuil prolongé ou compliqué peuvent inclure une distance affective dans les relations, la peur de perdre le contrôle, colère ou irritabilité fréquentes, absence d’émotions, confusion écrasante, des pensées obsédantes ou un sentiment lancinant que «la vie ne sera plus jamais comme avant». Ces symptômes peuvent apparaître comme une dépression ou de l’indifférence et peuvent être aggravés par la toxicomanie.
Le «deuil compliqué» se réfère au deuil qui est accentué par de nombreux autres problèmes non résolus: économiques ou juridiques, déménagement, perturbations familiales, problèmes de santé mentale, catastrophes naturelles, suicide, etc… Ces problèmes non résolus aggravent et interfèrent avec la résolution du deuil. Le deuil prolongé se réfère à un deuil qui est «inachevé», où la personne ne peut dire «Au Revoir» car il y a un « Bonjour » incomplet. Les personnes qui souffrent soit de deuil prolongé, soit de deuil compliqué, ont besoin de verbaliser et d’exprimer leur douleur, physiquement à une personne intéressée et impliquée, sinon les histoires personnelles de perte non dites peuvent s’exprimer sous forme de réactions physiologiques, rêves, peurs et obsessions.
Considérations de la théorie et la pratique
La mort d’un parent, d’un enfant ou d’un ami, la séparation d'avec un conjoint ou un être cher, la perte d’un emploi ou d’un rôle important entraîne souvent une privation de contact interpersonnel. Chacune de ces pertes peut entraîner un deuil profond. En essayant de gérer ce déficit dans les contacts interpersonnels, les gens interrompent souvent le contact intérieur; ils désavouent l’affect et nient leurs besoins et leurs expériences personnelles, ils resserrent les muscles afin de désensibiliser leur corps, mais un sentiment de perte persiste. Le résultat de ces interruptions internes de contact est que les individus sont moins aptes à être présents dans l’ici et maintenant, d’être en plein contact avec d’autres, pour dire un plein « Bonjour» ou «Au Revoir».
Les adieux incomplets laissent la personne avec un sentiment de découragement, de privations sans fin, ou un sentiment lancinant qu’il manque quelque chose. Souvent l’élément manquant est l’absence de contact interpersonnel et la possibilité d’exprimer toute son expérience interne. Raconter sa propre «vérité», sa propre histoire, est un facteur essentiel dans le «donner du sens», complétant des expériences significatives inachevées, et offrant une fin au deuil prolongé (Nelmeyer & Wogrin, 2008).
La résolution du deuil prolongé implique la restauration de la capacité de la personne pour un contact interne et interpersonnel, la capacité de dire un «Bonjour» authentique avant un véritable «Au Revoir».
J’ai appris sur la psychothérapie de la tristesse prolongée en regardant Fritz Perls utiliser sa méthode de la «chaise vide» pour aider les gens à terminer ce qu’il appelle « unfinished business», affaires en suspens. Dans son enseignement, il faisait la différence entre chagrin véritable et pseudo-chagrin. Il définissait la pseudo-douleur comme «s’apitoyer sur soi-même». Il confrontait l’apitoiement sur soi des participants à l’atelier et insistait pour que les gens se prennent en charge et assument la responsabilité de vivre dans le «maintenant». Lorsque les stagiaires exprimaient un chagrin véritable, il répondait avec empathie en le considérant comme un processus naturel de deuil de la perte de quelqu’un. Toutefois, si la douleur persistait longtemps, si elle était généralisée, il définissait la douleur comme «tenir à des ressentiments inexprimés» (F. S. Perls, communication personnelle, septembre 1969).
Perls alors demandait à la personne en deuil d’utiliser la «chaise vide» et de s’imaginer que l’autre personne significative était assise en face de lui ou d’elle (Perls, 1969). Il encourageait ensuite le client à parler à l’image de l’autre, comme s’ils étaient réellement assis dans leur fauteuil, et d’exprimer son ressentiment et sa colère. Il l’ encourageait à utiliser toute sa capacité vocale et les mouvements du corps qui transmettaient sa colère et son ressentiment.
En enseignant la psychothérapie du deuil, Perls soulignait comment le chagrin a été maintenu en s’accrochant aux vieux ressentiments (rétroflexion) et il soulignait l’importance des appréciations inexprimées. Il enseignait que la résolution du deuil est dans l’expression aussi bien des ressentiments que des appréciations. Toutefois, en pratique, Perls a souvent donné plus de considération à l’expression du client endeuillé, de sa colère et de son ressentiment, qu’il l’a fait à l’expression des appréciations (Perls, 1975). Les Gouldings (1979) suivent le modèle de Fritz Perls sur le traitement de la douleur. Leurs vignettes de thérapie brève montrent qu’ils soulignent le ressentiment et la colère en examinant seulement superficiellement les appréciations.
Pendant plusieurs années, j’ai suivi l’exemple de Perls en mettant l’accent thérapeutique sur la colère et le ressentiment inexprimés du client. J’incluais l’expression de gratitude, souvent comme une clôture du travail, mais je me concentrais à défaire les rétroflexions et l’expression des ressentiments. Pourtant, dans ma pratique de la psychothérapie, certains clients parlaient de leur amour pour la personne décédée. Exprimer leur amour, leur gratitude et même leur dette, était bien plus significatif dans la résolution de leur deuil interminable que l’expression des ressentiments.
Les histoires de mes clients, (douloureuses et coléreuses - reconnaissantes et aimantes), me stimulaient à donner plus de place dans la thérapie, à l’expression de ce qu’ils aimaient, qu’ils chérissaient et ce qu’ils considéraient précieux dans l’autre personne. Souvent, cela nous a conduits à des histoires de moments sélicieux, de souvenirs chéris, et comment ils voulaient immortaliser l’autre personne. L’amour non exprimé, la gratitude, l’admiration et l’appréciation, tout comme la colère et les ressentiments non exprimés, créent également le «unfinished business» le «Bonjour» ou «Au Revoir» incomplet, la base du deuil prolongé.
J’ai trouvé qu’il était nécessaire de créer un équilibre thérapeutique entre des polarités émotionnelles telles que la colère non reconnue, le ressentiment et l’ amertume d’un côté de l’échelle et les rêves non réalisés, les expériences précieuses, l’affection inexprimée et les tendres souvenirs de l’autre côté de la balance. L’accent thérapeutique sur la colère et le ressentiment seuls ne suffisait pas pour la résolution du deuil prolongé. Il est devenu évident que les clients avaient besoin d’exprimer toutes les dimensions de leurs émotions, et que celles-ci interagissent entre elles: les relations impliquent une multitude d’émotions. J’ai commencé à organiser mes interventions thérapeutiques en entremêlant chacune de ces nombreuses émotions. Parfois, nous nous sommes concentrés sur une émotion jusqu'à ce qu’elle soit bien exprimée, puis j’attirais l’attention du client à un autre bout du spectre émotionnel, puis je revenais encore, toujours à la recherche de et en entrelaçant les émotions inexprimées, recherchant un équilibre de guérison.
L’équilibre thérapeutique n’est pas toujours égal. Avec certains clients, en fonction de l’histoire de leur relation avec l’autre personne, l’accent peut être plus sur les appréciations. Avec d’autres clients, l’accent peut être plus sur les ressentiments. Si les clients expriment seulement leur amour et leur reconnaissance, je les encourage à exprimer ce qu’ils n’aimaient pas dans l’autre. S’ils restent en colère et dans le ressentiment, je les encourage à se rappeler les bonnes expériences, les moments tendres et tout ce qu’ils ont pu apprendre de l’autre. Nous pouvons passer du temps à exprimer le ressentiment de la personne et puis, plus tard dans le travail, se déplacer vers une expression d’appréciation et d’amour. Avec d’autres clients, je tisse des aller et retour entre leur amour et leur colère et ce qui leur tient à cœur, entre ce qu’ils ont renvoyé, et qu’ils chériront. Peu importe où est l’accent, dans n’importe quel type de thérapie, il est souvent utile d’intégrer les appréciations et les ressentiments dans tout travail de deuil
«Quand tu es triste regarde à nouveau dans ton cœur et tu verras qu’en vérité tu pleures ce qui a été ta plus grande joie.»
(Kahlil Gibran, 1923, p. 29).
En travaillant avec des expériences inexprimées, il est important que la personne exprime pleinement les sentiments internes, besoins, pensées et interprétations qui n’ont jamais été exprimés. C’est ce que mes clients appellent «Dire la vérité»: c’est l’expression verbale, et parfois physique, des sentiments, pensées, attitudes, les associations et les réactions non-dits et souvent non reconnus, que la personne a gardés dans son fort intérieur. «Dire la vérité» ne concerne pas l’expression de faits, d’informations vérifiables qui peuvent être confirmées par d’autres. C’est une «vérité narrative», l’expression de sa propre expérience intérieure et l’effort de donner du sens (Allen, 2009; Burgess & Burgess, 2011).
«Dire la vérité» consiste à traduire des affects et des réactions physiologiques en langage et exprimer honnêtement ce qui n’a jamais été exprimé dans une relation. Lorsque nous, les psychothérapeutes, mettons l’accent sur «dire la vérité» nous invitons le client à occuper et exprimer l’expression interrompue des sentiments, attitudes et gestes physiques. Ce sont ces gestes interrompus, ces mots et affects qui interfèrent avec la capacité de dire «Bonjour» et «Au Revoir». Bien des clients ne sont pas habitués à partager leurs pensées privées. Nous invitons le client à parler avec franchise. Ces «dire la vérité», c’est le contraire des conversations sans conséquence que beaucoup de gens ont tout au long de leur vie. Des conversations sans conséquence commencent comme mesures d’autoprotection d’entretenir des relations, mais, au fil du temps, elles érodent l’intimité et les contacts interpersonnels.
Toute psychothérapie du deuil doit être faite dans un contexte relationnel. Ce contexte peut être dans les contacts interpersonnels entre client et thérapeute, dans la communication empathique entre client et membres de groupe ou dans la communication honnête entre le client et l’image interne de l’autre significatif. Pour certains clients une combinaison de ces approches est le meilleur.
Je me suis souvent servi de la méthode de la chaise vide en invitant le client à visualiser “l’autre important”, à dynamiser un geste physique interrompu, à exprimer les sentiments inexprimés, à créer des mots qui transmettent ses expériences subjectives à l’autre. En travaillant avec l’image interne de l’autre personne, nous créons la possibilité, pour les clients, d’utiliser leur imagination pour exprimer ce qu’il faut dire à l’autre personne. J’utilise un ancien concept de thérapie de l’enfant: créer, dans le fantasme, ce qui n’est pas possible en réalité.
Pour la plupart des clients, il est essentiel qu’ils expriment ce qu’ils ressentent à l’image interne de l’autre personne. Qu’ils fassent le contact nécessaire dans le fantasme, pour faire enfin, ce qui manquait dans la situation initiale. Pour d’autres clients, les contacts interpersonnels, entre client et thérapeute sont plus efficaces thérapeutiquement que la méthode de la «chaise vide». Si le client ne peut pas visualiser l’autre, parce qu’il manque de soutien interne ou craint le rejet ou le ridicule de la visualisation de l’autre, je demande à la personne de me regarder dans les yeux et de me raconter son expérience de l’autre. Je lui fais apporter son «unfinished business» dans la relation avec moi: «Dites-moi ce que vous diriez à votre père, s’il était assez sobre pour vous écouter» ou “Puisque vous êtes certain que votre mère à nouveau dira que vous êtes « idiot » et niera ce qui vous est arrivé, racontez-le moi s.v.p., j’écouterai.” Je veux qu’ils voient mon émotion sur mon visage, mes expressions de sympathie, et qu’ils sentent ma présence.
Parfois, il est nécessaire de faire la thérapie du deuil dans un contexte relationnel face à face, quand:
● La session de thérapie est peu de temps après la perte.
● Il y a un manque de personnes soutenantes et bienveillantes dans la vie de la personne.
● Il n’y a pas assez de ressources internes pour faire un usage efficace de la visualisation de l’autre dans la «chaise vide».
● Le deuil est compliqué par d’autres problèmes interférents.
Le but de chaque méthode: parler à la visualisation, dialoguer directement avec le psychothérapeute ou avec les membres du groupe est le même, la création d’un récit (et parfois l’expression physique) du non exprimé et les affects non dits, des fantasmes, et significations subjectives. C’est grâce à l’aide habile du psychothérapeute que les sensations physiques, les émotions et les besoins, les souvenirs explicites et implicites, les réactions et les attitudes du client peuvent devenir conscients et enfin être articulés sous forme d'un récit personnel.
Avant de travailler avec un client endeuillé, je me pose une série de questions d’ordre éthique:
● Est-ce une réaction normale de chagrin qui sera résolue dans son propre cours naturel du temps?
● Est-ce que la tristesse du client est prolongée et empêche-t-elle la personne de vivre la vie pleinement? Le «Bien-être du client se renforcera-t-il si j’interviens thérapeutiquement dans son processus de deuil?
● Si j’interviens sera-t-il plus efficace de travailler de manière relationnelle, face à face, d’utiliser la «chaise vide» ou d’utiliser les interactions au sein d’un groupe, ou de combiner les approches?
“Toutes les peines sont supportables si on les met dans une histoire, ou en racontant une histoire à leur sujet ”
Karen Dinesen, 1957.
Traitement du deuil compliqué dans une thérapie relationnelle
Ruth était la mère d’un garcon de 19 ans, mort dans un accident de voiture. Elle était venue en ville pour régler les questions juridiques, fermer l’appartement de son fils à l’Université et rencontrer la famille d’un autre garçon décédé. Un ancien thérapeute de sa ville natale lui avait donné mon nom et avait suggéré qu’elle me parle. Ruth était agitée par le chagrin. Sa conversation initiale au téléphone était un mélange de désespoir, d’irritation, de confusion et de solitude. Je savais que j’avais une, au plus deux séances, pour aider Ruth à exprimer son chagrin et le traiter. Nous avons programmé une session initiale de deux heures.
Le deuil de Ruth était aggravé par de nombreux soucis: non seulement, elle avait perdu son fils, mais elle devait faire face aux familles des autres garcons qui étaient dans la voiture. Plusieurs responsabilités légales étaient en cours, les funérailles devaient être organisées dans sa ville natale, et son ex-mari la blâmait pour le comportement de leur fils. Je n’avais pas suffisamment de temps pour l’aider à trier les innombrables enjeux juridiques et interpersonnelles qui la submergeaient. Après les trente premières minutes, j’ai décidé d’une priorité thérapeutique: j’ai choisi de focaliser son attention sur la mort et la perte de son fils et les qualités de leur relation, pour faire contact, pour dire «Bonjour» et puis peut-être dire «Au Revoir». Les autres problèmes non résolus devraient attendre jusqu'au soulagement de sa douleur intense.
Tout d’abord, je me suis centré, sur la façon dont il était mort, en demandant les détails factuels. Elle a dit que c’était son fils qui était au volant de la voiture. Lui, et trois autres garçons étaient saouls, et ils se sont écrasés sur la devanture d’un magasin. Lorsque j’ai posé des questions sur ses sentiments, elle a exprimé sa colère à cause de sa consommation fréquente d’alcool et de sa conduite dangereuse. Il était important qu’elle voie que je prenais sa colère au sérieux. J’ai demandé d’autres occasions où elle était en colère contre lui. Elle m’a parlé des temps passés où il avait été irresponsable: sa consommation d’alcool tout au long de l’adolescence, le fait qu’il prenne sa voiture sans sa permission et leurs disputes fréquentes. J’ai écouté avec intérêt et remarqué combien c’est inquiétant pour un parent lorsque les enfants agissent de manière irresponsable. Mon intention était de reconnaître sa colère, de m'occuper attentivement de ses ressentiments et d’offrir harmonisation et validation de ses émotions.
Je lui ai demandé ce qu’elle ressentait d’autre. Elle m’a parlé de la tristesse de ne jamais le voir diplômé de l’Université, de ne jamais le voir se marier, et de n’avoir jamais de petits-enfants. Elle a pleuré les pertes. Je l’ai encouragée à me raconter des expériences antérieures avec son fils. Elle a continué à pleurer en décrivant certains événements importants de ses années préscolaires. Tout au long de ses histoires, j’espérais qu’elle puisse voir la compassion dans mes yeux.
Ruth était perturbée et irritée par toutes les demandes externes qui lui étaient faites. Elle était tellement confuse et seule dans son chagrin qu’il semblait prématuré de parler à une image fantasmée de son fils dans une «chaise vide». Je n’étais pas certain qu’elle possédait les ressources internes nécessaires pour dire «Bonjour» en imagination, je sentais qu’il était trop tôt après la mort de son fils. A la place d’une approche de la “chaise vide”, j’ai demandé à Ruth de me regarder dans les yeux. Je lui ai demandé de tout me dire sur son fils. Je voulais qu’elle fasse l’expérience de ma résonance émotionnelle totale avec ses sentiments et ses expériences de mère d’un enfant qui venait de mourir. Notre contact interpersonnel, notre relation, avait la préséance.
Puis, je lui ai demandé de parler de ses souvenirs précieux. Elle m’a parlé de ses résultats brillants à l’école, des choses agréables qu'ils avaient fait ensemble dans ses premières années d'adolescence, et combien il avait été aimant et présent lors de son divorce. Je me réjouissais avec elle, quand elle me parlait de ses souvenirs importants. De nouveau, je lui demandé s’il y avait des choses qu’elle ressentait. Elle exprimait de nouveau comment elle détestait sa consommation d’alcool, et le fait qu’il ne fasse pas attention à sa sécurité. Au cours de toutes ces histoires, j’ai gardé un contact visuel avec elle. Bien que je n’aie pas dit grand chose, j’ai exprimé ma participation avec l’ expression de mon visage et celle de mon corps.
La thérapie du deuil de Ruth fut dans notre contact interpersonnel constant. J’étais compatissant lorsqu’elle était triste. J’ai pris sa colère au sérieux. J’ai exprimé ma joie quand elle se souvenait des moments précieux passés avec son fils. Je me sentais protecteur quand elle exprimait ses craintes concernant les questions juridiques en suspens. Ses émotions allaient du désespoir à la confusion, de la colère à la tristesse et au ressentiment. Puis à plus de colère, davantage de tristesse et enfin à la joie et à la reconnaissance.
Le contact intersubjectif, l’expression par Ruth de chaque affect et mes réponses harmonisées, ont été essentiels pour que Ruth trouve un certain soulagement de sa douleur. Ce processus de résolution du deuil, a été fait en face à face, de personne à personne. Pourtant, il y avait tous les éléments que j'utilise dans la technique de la «chaise vide», avec un autre client qui avait plus de ressources internes et de soutien relationnel ou dont la perte n’était pas si récente. Pour Ruth la guérison était dans la qualité de la relation...
Zia était une femme de 47 ans, qui pleurait la perte d’un enfant depuis plusieurs années. Bien qu’elle et son mari avaient parlé de la perte de leur enfant il y a plusieurs années, Zia n’avait plus parlé de sa douleur depuis plusieurs années. Elle avait pleuré en silence. Un autre client dans un groupe de thérapie avait parlé de son deuil de la mort de sa fille âgée de 5 ans. Ce fut l’impulsion pour Zia à parler au groupe.
Zia: Mon coeur me fait mal. Il y a quatorze ans, je suis tombée enceinte. Après 4-5 mois, mon bébé a été diagnostiqué avec un cerveau incomplet et une déformation de la colonne vertébrale. Sur les conseils du médecin et dans l’intérêt de l’enfant, nous avons décidé d’interrompre la grossesse. Je suis allée chez le médecin et après 2 jours de contactions provoquées, j’ai donné naissance à un garçon mort. Mais j’ai toujours senti qu’il y a encore un bébé à l’intérieur de moi. (Elle commence à pleurer). Après une longue pause: je pense que j’ai besoin de dire au revoir à mon bébé.
Le thérapeute fait un contrat avec Zia sur la manière dont elle peut dire au revoir. Il explique l’utilité d’utiliser une «chaise vide» et lui donne le choix entre lui parler, parler au groupe, ou à l’image fantasmée de son fils. Elle accepte de parler à l’image, qu’elle a souvent fantasmée, au fil des ans.
Thérapeute: Fermez les yeux et prenez ce bébé. (lui tend un coussin souple). Je ne suis pas pressé, prenez votre temps. Supposons que votre bébé soit né vivant, et que vous avez tout le temps dont vous avez besoin pour parler à ce béb é. (Elle pleure plus profondément).
(Après une pause, d’une voix douce) Imaginez comment ce sera de nourrir votre bébé la première fois. Ressentez les sensations dans votre corps. Parlez-en à votre bébé . (Ici le thérapeute apporte une “orientation thérapeutique” en invitant la cliente à être consciente de ses fantasmes de tenir un bébé vivant).
Après quelques minutes Zia cesse de pleurer. Dans les prochaines minutes, elle décrit son imagination de la première expérience de prendre soin de son bébé. Elle parle à son bébé, représenté par le coussin qu’elle tient dans ses bras. Elle décrit en détail ses sensations corporelles, son amour en allaitant l’enfant et comment elle se délecte de son fils en train d’être allaité. Elle caresse le coussin encore et encore.
Thérapeute: Continuez de caresser votre bébé. (Ce conseil thérapeutique a pour but d’intensifier son sens physiologique d’être en contact avec une image interne du bébé).Dites à votre fils ce que c’est pour vous de changer ses couches.Sentez combien il est doux votre bébé. (pause) Sentez bien comment ce moment est spécial pour vous deux. Zia raconte à son fils son plaisir de lui changer les couches, et sa joie de leur être-ensemble. Elle sourit en parlant au bébé; il y a comme un petit éclat de rire dans sa voix.
Thérapeute: Ecoutez comment il dit “maman” pour la toute première fois. Dis-lui comment vous l’avez entendu, qu’est-ce que cela vous a fait d’entendre sa voix. Pendant les 5 minutes qui suivent Zia parle à son bébé en disant combien elle l’aime et toutes les choses qu’ elle fera avec lui quand il sera plus grand.
Thérapeute: Dites-lui comment ce sera pour vous quand il fera ses premiers pas. Zia éclate en sanglots. Elle raconte le bébé qui ne marchera jamais et ne parlera jamais. Son corps tremble de douleur tandis qu’elle pleure profondément.
Thérapeute: (après 3 minutes de silence) Racontez à votre fils les rêves que vous aviez quand vous pensiez qu’il serait normal. Zia décrit un certain nombre d’images importantes telles que le baigner, jouer avec lui par terre et lui lire des histoires. Elle continue de dire à son fils plusieurs rêves qu’elle avait d’être la mère d’un enfant normal.
Thérapeute: Maintenant dites-lui comment ce sera de grandir avec ses difformités physiques. Zia continue de lui parler de ses difformités physiques et mentales. Elle décrit les soins médicaux étendus et coûteux dont il pourra avoir besoin et le manque d’un établissement de soins adaptés. Elle lui parle de son amour pour ses autres enfants, et comment elle ne serait pas disponible pour les autres enfants si elle devait s’occuper de ses nombreux besoins physiques. Elle ne pleure plus, sa voix est factuelle.
Thérapeute: (après une courte pause) Parlez-lui de votre famille…Et dites lui les leçons importantes que vous aimeriez lui enseigner. Zia parle de l’amour dans sa famille et du système de valeurs qu’elle aimerait enseigner à son fils. Elle décrit son frère et sa sœur, et comment ils l’aimeront aussi. Encore une fois, elle décrit sa crainte de négliger ses autres enfants à cause des soins constants dont son bébé aura besoin. Le thérapeute l’encourage à continuer à parler à son bébé. Elle parle du mépris de la société pour les personnes handicapées et les nombreuses complications médicales, qu’il aura en grandissant.
Thérapeute: Maintenant, dites à votre fils ce que vous voulez faire pour lui. Zia décrit comment elle veut l’envoyer au ciel. Elle lui dit qu’il n’y a pas assez de services médicaux pour l’aider et qu’il devrait souffrir constamment, s’il devait vivre. Elle poursuit en disant qu’elle doit protéger ses deux autres enfants. Elle continue à pleurer en lui disant qu’elle le protège en l’envoyant vivre avec Dieu. Elle termine en décrivant la paix qu’elle ressent en sachant qu’il est au ciel. Elle a cessé de pleurer.
Après 3 minutes, Zia ouvre les yeux et regarde le groupe. Plusieurs membres sont en pleurs. Le thérapeute leur fait signe de se rassembler autour de Zia et leur demande de lui parler de leurs sentiments. Tout le monde se réunit en larmes et partage leurs histoires tout en soutenant Zia. Après une quinzaine de minutes, le thérapeute suggère au groupe de créer un rituel d’adieu. Plusieurs membres du groupe enlacent Zia et quelqu'un dans le groupe chante une chanson. Un autre membre du groupe prend “le bébé” et met en scène un enterrement. Une autre personne fait ensuite un bref discours sur Zia qui est une bonne mère. Zia est souriante, son corps est détendu. Après quelques minutes, elle s’enquiert des sentiments des autres membres du groupe.
A la prochaine session Zia déclara qu’elle se sentait très soulagée. “J’ai passé la meilleure nuit de sommeil depuis 14 ans. C’est une grosse charge qui a quitté mon ventre. Mon mari et moi, nous avons eu une merveilleuse conversation. Je ne savais pas que je portais un tel chagrin”.
Conclusions : Zia et Ruth sont deux femmes adultes, mûres, souffrant d’un chagrin et d’un désespoir profonds, la douleur d’une mère à la mort d’un enfant et en même temps leur perplexité concernant leurs sentiments intimes et leur rêves. Dans le chagrin prolongé de Zia se trouvait son dilemme éthique indicible: son amour pour l’enfant avorté et celui pour ses autres enfants. Ruth, comme Zia, vivait également de grandes souffrances émotionnelles, mais sa souffrance était aggravée par sa colère face au comportement irresponsable de son fils, des questions juridiques en suspens et le manque de soutien de son ex-mari. Pour la guérison de leur deuil il était nécessaire que les deux femmes expriment leur récit devant un écouteur intéressé et impliqué.
Je ne peux pas savoir ta douleur
Je ne peux pas partager tes souvenirs ou ta perte
Mes mots de sympathie ne sont pas à la hauteur, mais
sache que mon coeur tend avec amour vers le tien
Jonathan Lockwood Huie
Voici deux exemples, de thérapie du deuil, impliquant l’état du moi Adulte du client. Avec d’autres clients, la psychothérapie du chagrin peut se concentrer sur l’articulation des sentiments de l’Enfant, des réactions physiologiques et comportementales et des croyances auto-stabilisantes. La thérapie de l’état du moi Enfant se produira très probablement lorsqu’un client est face au décès d’un parent (soit après le décès ou en l’anticipant, en préparant le dernier adieu). Quand les clients ont «unfinished business» avec leurs parents ou d’autres personnes importantes de leur enfance (grand-mère, oncle, frère, enseignant), il peut être nécessaire que le psychothérapeute facilite l’expression émotionnelle et la déconfusion de l’un ou plusieurs états du Moi Enfant, la décontamination de l’Adulte (Berne, 1961) ou des manifestations scénariques (Erskine, 2010).
Comme décrit dans ces deux cas, la psychothérapie du deuil sera unique avec chaque client. Pour illustrer certaines des variations possibles, j’ai inclus quelques courts exemples. Lorsque le deuil prolongé fait suite à un divorce ou à la dissolution d’une romance, il peut être important de commencer avec la colère, l’amertume ou le sentiment de trahison du client parce que c’est souvent ce qui est évident pour la personne. Cependant, certains clients peuvent s'embourber dans leur haine ou leur colère. Il peut être tout aussi important de faciliter la prise de conscience du client de sa tristesse, ses rêves ternis et de se souvenir des moments spéciaux ou aimants que le couple a partagés autrefois. Pour parvenir à un équilibre, il peut être nécessaire de déplacer l’attention du client des ressentiments et de l’amertume vers d’agréables souvenirs. J’ai utilisé des questions telles que: «C’était comment quand vous vous êtes rencontrés pour la première fois? Quelles choses merveilleuses avez-vous faites ensemble? Qu’est-ce qui vous a attiré?»
Lorsque le/la partenaire du client est dément(e) depuis longtemps, la thérapie peut commencer par passer en revue les souvenirs, les bons moments qu’ils ont vécus ensemble. La thérapie peut alors se concentrer sur le mécontentement et la colère vis-à-vis de la vivacité et la capacité physique perdues du compagnon (de la compagne) et puis de nouveau, aux souvenirs précieux. Un asect important de la psychothérapie est l’expression équilibrée de tous les affects.
Le frère d’Andrew s’était suicidé. Depuis près de deux ans, Andrew se réveillait, chaque jour, déprimé. Dans le cadre d’un traitement plus complet, nous avons utilisé la «chaise vide» pour qu’il puisse exprimer sa tristesse directement à l’image de son frère. Il s’est enfin laissé pleurer. Il a répété plusieurs versions de “je t’aime “, “Tu me manques” et il a raconté à son frère plusieurs des bons moments qu’ils avaient passés ensemble tout au long de leur enfance. Toutefois, il continuait à souffrir d’une grande tristesse à cause de la perte de son frère.
Quelques séances plus tard, je lui ai demandé de continuer à parler à son frère. Cette fois, je l’ai encouragé à faire attention à la tension des muscles dans son corps et à décrire ses sensations. Lentement il commença à exprimer sa colère et le ressentiment par des déclarations telles que «Comment tu oses te tuer?»; «Je suis furieux que tu aies fait du mal à notre mère et notre à père»; «Tu es une merde de faire cela à tes enfants». Il devint furieux avec l’image de son frère et il a envoyé d’un coup de pied la «chaise vide» à travers la pièce. Dans la thérapie d’Andrew l’équilibre entre les appréciations et le ressentiment est moins important que l’expression par le biais de sa colère. Il ne s’est plus réveillé déprimé chaque jour, la cause de sa dépression était le déni de sa colère envers son frère de s’être suicidé.
Suzanne, une cliente en thérapie individuelle n'avait pas assisté aux funérailles de son père, mort 20 ans plus tôt. Après deux séances de travail «chaise vide» et «dire la vérité» je lui ai demandé de faire un dessin de son père. À la session suivante, nous sommes allés au parc, nous avons fait un feu, et nous avons fait une crémation «Au Revoir». Plus tard dans la thérapie, elle a parlé combien il avait été important pour elle, que nous ayons quittés le cabinet et fait cette cérémonie de crémation spéciale. Elle disait: «Dans le parc, j’ai fait un dernier adieu».
Si j’utilise la méthode de la «chaise vide» dans un groupe je demande souvent au client de répéter l’histoire aux membres du groupe afin qu’il ou qu’elle puisse sentir la résonance affective avec le groupe, semblable à ce qui pourrait arriver à un enterrement. Périodiquement, nous créons un rituel funéraire ou un psychodrame qui s’adresse au chagrin de la personne et/ou à la douleur qui pourrait avoir été stimulée chez d’autres membres du groupe. Pour certains clients, il peut être bénéfique, que la thérapie de la douleur se fasse entièrement dans un processus de groupe relationnel. L’implication respectueuse des membres du groupe favorise la résolution de la douleur, et permet à chacun dans le groupe de prendre conscience et d’exprimer ses propres expériences. Grâce aux relations, affectueuses et attentionnées, des membres du groupe, la guérison de la douleur devient possible. Le chagrin ne concerne pas toujours la perte d’une personne.
Malisse, 52 ans, est venue en thérapie individuelle, 5 ans après avoir subi une mastectomie, avec un contrat de résoudre des «problèmes relationnels» et son «retrait des gens». Après plusieurs mois de thérapie, quand elle a eu formé une relation sécurisée avec moi, je lui ai demandé de fermer les yeux et de parler à son sein. Elle était assise, avec sa main sur la cicatrice de l’intervention chirurgicale, sur sa poitrine, et elle a pleuré pendant plusieurs minutes. Ensuite elle a parlé à son sein, comme si elle parlait à sa meilleure amie. Elle a dit qu’il était beau et qu’elle l’a aimé. Elle a décrit le plaisir qu’elle avait toujours eu avec son corps, puis, elle a pleuré. Son corps entier était secoué par le chagrin.
Lors de notre prochaine session, après avoir revu le travail de deuil de la semaine précédente, j’ai suggéré de mettre le cancer sur la «chaise vide» et de
lui parler. Elle s’est mise en colère contre le cancer, maudissant son existence et elle a crié «Je te bannis de mon corps». Elle a crié, pleuré et crié à nouveau sa colère face au cancer, aussi bien pour elle-même, que pour toutes les femmes. Finalement, elle a exprimé sa gratitude que le chirurgien ait enlevé tout le cancer. Elle a déploré qu’elle n’était plus attrayante pour les hommes et puis soudainement a pris la décision d’avoir un implant. Après ces deux séances de chagrin, nous avons continué notre thérapie relationnelle, quand elle a eu récupéré de sa chirurgie reconstructive et exploré de nouvelles relations sociales.
Je trouve difficile de vous dire «Au Revoir» à vous, lecteurs et collègues, parce que nous n’avons pas encore eu un plein «Bonjour». Il y a tellement plus pour nous à discuter sur le traitement de la douleur. Je n’ai pas encore entendu vos idées. J’ai écrit principalement au sujet du deuil résultat de la mort. Dans mon expérience, les mêmes principes thérapeutiques, s’appliquent si le deuil concerne la perte d’un emploi, d’une maison, d’une amitié, d’un animal de compagnie ou la perte d’espoirs passés et futurs et les rêves.
J’aimerais connaître vos expériences personnelles et professionnelles avec le deuil.
1. Comment facilitez-vous la résolution du deuil long et compliqué de vos clients?
2. Dans votre psychothérapie du chagrin, travaillez vous de manière relationnelle, utilisez-vous une méthode de la «chaise vide», vous servez-vous du processus de groupe, ou bien d’une intégration des différents concepts et méthodes?
3. Cherchez-vous à parvenir à un équilibre dans l’expression du client, de la colère et des ressentiments, des anticipations et des craintes, de l’amour et des appréciations, qui n’ont peut-être, jamais été reconnus ou jamais exprimés dans la relation?
4. Avez-vous une autre approche qui n’est pas mentionnée dans cet article?
Je souhaiterais que nous coopérions dans le développement et le raffinement du traitement du chagrin, de la perte et du deuil dans la perspective de l’analyse transactionnelle. Nous avons besoin de développer notre compréhension de la théorie, de développer des méthodes cliniques, dans l'évaluation de l’efficacité des différentes méthodes et dans la définition de l’éthique dans le traitement du chagrin émotionnellement complexe et/ou prolongé. Peut-être, pouvons-nous créer un véritable dialogue qui nous permettra de dire un authentique «Bonjour»professionnel, avant de dire «Au Revoir»?
« Je ne peux pas savoir la douleur que vous ressentez. Je ne peux pas partager vos souvenirs ou votre perte. Mes mots de sympathie ne sont pas à la hauteur, mais sachez que mon cœur tend la main avec amour vers votre cœur ».
Jonathan Lockwood Huie
Références:
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