Articoli di Psicoterapia Integrativa
Méthodes pour une psychothérapie intégrative
Richard G. Erskine
Traduction : Hélène CADOT
Extrait
Lorsqu'il s'agit de pratiquer la psychothérapie intégrative, le concept de relation thérapeutique interpersonnelle et en contact est la prémice centrale. Le questionnement, l'harmonisation et l'implication constituent les méthodes d'une psychothérapie fondée sur la relation et orientée vers le contact. Définition de huit besoins inhérents à la relation et description des attitudes thérapeutiques correspondantes. La base théorique d'une psychothérapie intégrative inclut les concepts d'Etats du Moi, de transfert, de Système de Scénario, de contact et d'interruptions de contact, ainsi que le sens des relations interpersonnelles.
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Le terme "intégrative" tel qu'il est utilisé dans notre approche de la psychothérapie intégrative, revêt plusieurs significations. Il se réfère principalement au processus d'intégration de la personnalité, ce qui inclue l'aide apportée aux clients pour qu'ils deviennent conscients et assimilent les contenus de leurs Etats du Moi fragmentés et fixés, dans un Moi néopsychique intégré, en vue de développer un sentiment de soi qui réduirait le besoin de recourir à des mécanismes de défense et au Scénario de vie, et de se réengager dans le monde et les relations en un plein contact. C'est le processus consistant à faire un tout : faire en sorte que les aspects du Moi désappropriés, non conscients et non résolus, fassent partie d'un Soi désormais en cohésion. (Erskine & Trautmann, 1993)
"Intégrative" se réfère également à l'intégration de la théorie - l'assemblage d'approches thérapeutiques affectives, cognitives, comportementales, physiologiques et systémiques. Une préoccupation centrale quand il s'agit d'une psychothérapie intégrative, est d'établir si chacun de ces domaines - affectif, comportemental, cognitif, physiologique - est ouvert ou fermé au contact (interne et externe) et d'appliquer des méthodes qui augmentent celui-ci (Erskine, 1975, 1980, 1982a). Le concept de contact interne et externe est utilisé dans la perspective du développement humain, dans laquelle chaque phase de la vie présente des tâches développementales cruciales, une sensibilité unique dans les relations avec autrui, et des occasions pour de nouvelles acquisitions. Le terme de psychothérapie intégrative, tel qu'il est utilisé dans cet article, inclue les deux significations.
La psychothérapie intégrative prend en compte de nombreuses visions du fonctionnement humain : psychodynamique, centrée-sur-le-client, behavioriste, celle de la thérapie familiale, de la Gestalt thérapie, de la thérapie corporelle influencée par les Reichiens, celle fondée sur les théories de la relation d'objet, de la psychologie psychanalytique du Soi, en plus de l'Analyse Transactionnelle, qui forme le socle principal de notre théorie et de notre méthode.
Chacune de ces visions fournit une explication valable du fonctionnement et du comportement psychologique, et chacune se trouve mise en valeur quand on l'intègre sélectivement aux autres.(Erskine & Moursund, 1988)
Contact et relations
Une des prémices principales de la psychothérapie intégrative est que le besoin de relation constitue une expérience essentielle dans la motivation du comportement humain, et que le contact est le moyen par lequel ce besoin est satisfait. Nous mettons particulièrement l'accent sur l'importance du contact quand nous utilisons la gamme des modalités susmentionnées. Le contact a lieu intérieurement et extérieurement : il implique la pleine conscience des sensations, sentiments, activité sensori-motrice, pensées et souvenirs qui se produisent à l'intérieur de l'individu, et un mouvement vers la pleine conscience des événements externes tels qu'ils sont enregistrés par chacun des organes sensoriels. Par le contact interne et externe, les expériences font l'objet d'une intégration continuelle. Mais lorsque le contact est rompu, les besoins n'obtiennent pas satisfaction. Si l'expérience de l'excitation du besoin ne trouve pas satisfaction, ou n'est pas close de façon naturelle, elle doit trouver une clôture artificielle qui va dissiper l'inconfort lié au besoin non satisfait. Ces clôtures artificielles sont la substance des réactions de survie et des décisions scénariques, susceptibles de se fixer.
Elles sont évidentes dans le cas du déni de l'affect, des schémas comportementaux devenus habituels, des inhibitions neurologiques au sein du corps, et des croyances qui limitent la spontanéité et la souplesse, tant dans la résolution de problèmes, que dans la relation à autrui.
Chaque interruption défensive du contact entrave la conscience.(Erskine, 1980 ; Erskine & Trautmann, 1993).
La notion de contact se réfère également à la qualité des transactions échangées entre deux personnes : la conscience simultanée du Soi propre et de celui de l'interlocuteur, une rencontre sensible avec l'autre, et une reconnaissance authentique de son propre Soi.
La psychothérapie intégrative établit des corrélations à partir de nombreuses écoles théoriques différentes. Pour qu'une théorie soit intégrative, et non pas simplement éclectique, elle doit laisser de côté les concepts et idées qui ne sont pas cohérents sur le plan théorique, pour façonner un noyau de constructions bien agencé, apte à informer et guider le processus psychothérapeutique. Un examen de la littérature psychologique et psychothérapeutique révèle que c'est le concept de relation qui est le seul commun et le plus cohérent (Erskine, 1989). Depuis le début d'une théorie du contact, initiée par Laura et Frererick Perls (Perls, 1944 ; Perls, Hefferline & Goodman, 1951) en passant par Rogers et sa thérapie centrée-sur-le-client, (1951), l'hypothèse émise par Fairbairn, selon laquelle les gens aspirent à la relation dès le tout début de la vie et tout au long de celle-ci, l'insistance de Sullivan sur le contact interpersonnel, les théories de la relation chez Winnicott et Guntrip, (1971), avec les applications cliniques correspondantes, les théories de Berne sur les Etats du Moi et le Scénario (1961, 1972), Kohut (1971, 1977) et l'application, par ses successeurs, du "questionnement empathique soutenu" (Stolorow, Brandschaft & Atwood, 1987, p.10), les théories de la relation développées par le Stone Center (Bergman, 1991 ; Miller, 1986 ; Surrey, 1985), la philosophie d'une relation Je-Toi, de Buber (1923/1958), il y a eu toute une succession d'enseignants, écrivains et thérapeutes, pour insister sur le fait que les relations - à la fois dans les premières années de la vie, et tout au long de la vie adulte - sont à la source de ce qui donne sens et validation au Soi.
La littérature sur le développement humain amène également à comprendre que le sentiment de soi et l'estime de soi émergent des relations-en-contact. C'est à partir du fondement théorique de la relation-en-contact, couplé avec le concept de Berne (1961) des Etats du Moi (et en particulier les Etats du Moi Enfant fixés) (Erskine, 1987, 1988 ; Trautmann & Erskine, 1981) que s'opère la focalisation naturelle sur le développement de l'enfant. Les travaux de Stern (1985, 1995) et de Bowlby (1969, 1973, 1980) exercent actuellement une influence sur la perspective intégrative, principalement du fait de leur insistance sur l'attachement précoce et sur le besoin naturel, présent durant toute la vie, d'être en relation. Bowlby a insisté sur la signification de liens physiques précoces et se prolongeant, pour la création d'un noyau viscéral à partir duquel toutes les expériences du Soi et de l'autre vont émerger. Si un tel contact ne se produit pas en accord avec les besoins relationnels de l'enfant, il va se produire une défense physiologique contre la perte de contact (Fraiberg, 1982).
La psychothérapie intégrative utilise nombre de perspectives concernant le fonctionnement humain, mais toujours à partir du point de vue stipulant que la relation client/thérapeute est cruciale. Les concepts de relation-en-contact, Etats du Moi, fonction intrapsychique, transfert et transactions, besoins relationnels et réciprocité dans les affects, processus développemental et Scénario de vie sont au centre de notre théorie intégrative. Le thérapeute oriente et utilise son propre Soi de telle sorte qu'il aide, chez le client, le processus consistant à développer et intégrer le contact, et à satisfaire les besoins relationnels (Erskine, 1982a).
Le processus appelé harmonisation est d'une importance primordiale, qui implique non seulement une focalisation sur les pensées, sentiments, comportements ou sensations physiques, mais également sur ce que Stern a nommé (1985) "les affects de vitalité" (p.156). Nous visons à créer l'expérience d'une connexion en continu avec les sentiments. Le développement du sentiment de soi et le sentiment d'être relié, chez le client, semble crucial pour le processus d'intégration et d'unification, en particulier lorsque il y a eu dans sa vie des traumas spécifiques, fragmentant le Moi et lorsque certains aspects du Soi ont été désappropriés ou niés à cause des interruptions cumulatives dans la relation-en-contact. (Erskine, 1991a, 1993, 1994).
La prémice centrale qui sous-tend la pratique de la psychothérapie intégrative est que l'intégration peut se produire par l'intermédiaire de diverses modalités - affective, comportementale, cognitive et physiologique (Erskine, 1975, 1980) - mais de manière encore plus effective lorsqu'il existe une relation thérapeutique interpersonnelle en contact et respectueuse (Erskine, 1982a). Le questionnement, l'harmonisation et l'implication sont des méthodes orientées vers la relation et facilitant le contact. De précédentes publications ont défini et décrit les méthodes de questionnement, d'harmonisation et d'implication (Erskine & Trautmann, 1993) appliquées au traitement de la dissociation (Erskine, 1991 a, 1993), de la honte et de l'arrogance vertueuse (Erskine, 1994), et ont montré leur application à travers des transcriptions de séquences réelles de thérapie (Erskine, 1982b, 1991b ; Erskine & Moursund, 1988). Ce qui va suivre est un aperçu de quelques-unes des méthodes favorisant la relation-en-contact.
Le questionnement
Il commence par l'hypothèse que le thérapeute ne connaît rien du vécu du client et qu'il doit donc s'efforcer continûment, de comprendre le sens subjectif du comportement du client et de son processus intrapsychique. Le processus du questionnement implique que le thérapeute soit ouvert à la découverte de la perspective du client, tandis qu'en même temps, celui-ci découvre son sentiment de soi, à chaque question ou constat, formulés par le thérapeute, dont l'effet est d'augmenter le degré de conscience chez le client. C'est par l'exploration respectueuse de l'expérience phénoménologique du client, que celui-ci va devenir de plus en plus conscient de ses besoins relationnels, sentiments et comportements à la fois actuels et archaïques. Les affects, pensées, fantasmes, croyances de Scénario, mouvements ou tensions corporels, espoirs et souvenirs qui ont été maintenus hors du champ de conscience par manque de dialogue ou par le refoulement, sont alors susceptibles de venir à la conscience. Grâce cette clairvoyance accrue et à la non-activation des défenses internes, les besoins et les sentiments qui étaient peut-être demeurés fixés et non résolus à cause de vécus antérieurs, vont pouvoir être intégrés à un Soi plus en contact.
Nous tenons à souligner que le processus même du questionnement est aussi important, sinon plus, que le contenu. Le questionnement du thérapeute doit être en empathie avec l'expérience subjective du client, pour être efficace dans la découverte et la révélation des phénomènes internes et dans la mise à jour des interruptions de contact, internes et externes.
Ce type de questionnement nécessite un intérêt sincère à l'égard des expériences subjectives du client, et de sa façon de construire leurs sens. Le processus opère par des questions au sujet de ce que le client est en train de ressentir, comment il/elle vit à la fois soi-même et les autres (incluant le psychothérapeute), et quelles significations et conclusions il en tire. Notre expérience montre que les clients vont révéler des fantasmes refoulés et des dynamiques intra-psychiques non conscientes, lorsque les questions sont posées avec sensibilité. Ceci permettant à la fois au client et au thérapeute, de comprendre de mieux en mieux qui est le client, les expériences qu'il/elle a vécues, et quand et comment il/elle interromp le contact.
Le questionnement thérapeutique concernant les peurs du client, ses anticipations, ses attentes, révèle souvent le transfert au sein de la vie actuelle, y compris dans la relation thérapeutique, de vécus historiques, de défenses archaïques et de ruptures relationnelles passées. Le transfert, dans le cadre de cette perspective intégrative, peut être envisagé ainsi :
1. les moyens par lesquels le client peut décrire son passé, les besoins développementaux qui ont subi un échec, et les défenses qui ont été crées pour compenser
2. la résistance à la remémoration et, paradoxalement, une mise en acte non consciente des vécus de l'enfance (la relation qui se répète)
3. l'expression d'un conflit intrapsychique et le désir d'aboutir à la satisfaction des besoins relationnels et à l'intimité dans les relations (la relation qui est nécessaire, thérapeutiquement)
4. ou l'expression de la quête psychologique universelle consistant à organiser ce qui est vécu, et à créer du sens.
Cette vision intégrative du transfert est fondamentale pour honorer sans cesse la communication inhérente au transfert à la fois de la relation qui se répète et de celle dont la personne a besoin (Stern, l994) ; elle fournit également la base permettant de reconnaitre et respecter le fait que les transactions puissent être de nature non transférentielle et qu'il arrive qu'elles ne concernent que la relation ici-et-maintenant se déroulant entre thérapeute et client (Erskine, 1991c).
Le questionnement peut inclure une exploration des conflits intrapsychiques et des mises en actes non conscientes des vécus de l'enfance, se poursuivre avec les questions concernant l'histoire, le moment où cette expérience a eu lieu, sur la nature des relations qui comptent dans la vie de la personne. Par ce questionnement, nous explorons les croyances de Scénario du client et les comportements, fantasmes et expériences renforçantes qui s'y rattachent (Erskine & Zalcman, 1979). En accord avec le bien-être du client, nous intégrons des expériences de Gestalt thérapie, des contrats de changements comportementaux, de la psychothérapie corporelle, de la psychothérapie intensive de l'Etat du Moi Parent, ou une régression développementale (Erskine & Moursund, 1988). Par la combinaison de ces techniques destinées à améliorer la conscience de soi et par notre questionnement respectueux, les expériences vécues dans le passé, et qu'il avait fallu évacuer hors de la conscience, peuvent être remémorées dans le contexte d'une relation thérapeutique impliquante. Lorsque les souvenirs, les fantasmes ou les rêves viennent à la conscience, le questionnement du thérapeute peut revenir à l'expérience phénoménologique du client, ou se tourner vers ses stratégies pour se débrouiller, c'est-à-dire un questionnement concernant les interruptions de contact externes et internes défensives.
Quand nous explorons les processus défensifs, nous faisons usage des interruptions de contact externes observables, comme étant représentatives des interruptions internes de contact.
Les interruptions de contact défensives, archaïques et fixées - par exemple, les introjections et les croyances de Scénario - interfèrent avec la satisfaction des besoins relationnels actuels et émergent dans la relation thérapeutique.
Etre vulnérable c'est être hautement conscient des besoins relationnels et être ouvert, sans défenses, à la réponse d'autrui à ces besoins. Poser des questions sur les points de vulnérabilité tant hors de la relation thérapeutique qu'à l'intérieur de celle-ci va dévoiler les besoins relationnels et les effets, chez le client, à la fois de la satisfaction et de la non satisfaction de ces besoins.
Le dialogue thérapeutique est alors susceptible de se centrer cycliquement sur les niveaux phénoménologique, transférentiel ou défensif de l'expérience. Le processus de questionnement n'est pas linéaire, mais se déroule en harmonie avec une conscience interne de plus en plus claire et une conscience du soi-en-relation, chez le client.
Le but visé par le questionnement thérapeutique consiste, pour le client et pour le thérapeute, à découvrir et à distinguer ensemble les fonctions des processus intrapsychiques et des dynamiques défensives. Chaque dynamique défensive a ses propres fonctions en termes d'identité, de stabilité, de continuité et d'intégrité, chacune nécessitant un intérêt particulier dans la psychothérapie. Notre thèse est que ce sont l'harmonisation et l'implication qui permettent au client de transférer utilement ces fonctions intrapsychiques au sein de la relation avec le thérapeute. Dans ce qui va suivre, nous nous référerons aux classifications présentées dans la Figure 1.
Il est essentiel que le thérapeute comprenne le besoin unique de chaque client, d'avoir une personne stabilisante, validante et restauratrice, qui se charge d'un certain nombre des fonctions de la relation que le client tente de gérer seul. Une thérapie de la relation orientée-vers-le-contact nécessite que le thérapeute soit en harmonie avec ces besoins relationnels, qu'il soit impliqué, à travers la validation empathique des sentiments et des besoins, et en procurant sécurité et soutien au client.
Un questionnement en contact avec le client au sujet de son expérience phénoménologique rehausse le sentiment de soi du client, en facilitant sa prise de conscience de l'existence de sentiments, fantasmes, sensations internes et processus de pensée, ainsi que de l'existence d'interruptions de contact. Un questionnement patient, non humiliant, tourné vers les dynamiques transférentielles du client va révéler, quant à lui, la signification des interruptions internes et externes de contact, comment la personne organise l'expérience, et la signification, à la fois, de la relation qui se répète et de celle qui est nécessaire thérapeutiquement. La relation nécessaire thérapeutiquement, c'est, pour le client, faire venir un autre, essentiel, qui soit apte à répondre à ses besoins relationnels, dans une implication réciproque. Un questionnement respectueux concernant le processus défensif du client - ses moyens de se débrouiller - va révéler l'intégrité du client et son style unique pour résoudre les ruptures dans la relation. Ce niveau de questionnement amène également le client à prendre conscience qu'il y a d'autres voies pour s'y prendre avec les ruptures dans la relation, et de nouvelles possibilités de résolution des conflits interpersonnels. Un questionnement sensible au sujet de la vulnérabilité du client, et de sa combinaison unique de besoins relationnels va augmenter le sentiment de sa propre valeur (cf. Figure 1). En présence d'un thérapeute qui s'harmonise, qui s'implique, et qui est conscient de son propre Soi, disposé à répondre à ces besoins relationnels, le client va ressentir un sentiment de soi et de son Soi-en-relation plus fort, plus clair. Le bien-être psychologique se trouve amélioré par le plein contact, tant interpersonnel qu'intrapsychique.
L'harmonisation
L'harmonisation est un processus double : il commence par l'empathie - c'est-à-dire la capacité à être sensible et à s'identifier avec les sentiments, besoins ou sensations de l'autre personne - et continue par la communication de cette sensibilité à l'autre personne. L'harmonisation, bien plus que la simple compréhension ou qu'une introspection à la place de l'autre, est une façon de sentir l'autre, de façon kinesthésique et émotionnelle - la connaissance de son rythme, affect et expérience en étant, métaphoriquement, dans sa peau, allant ainsi au-delà de l'empathie, pour procurer un affect réciproque et/ou une réponse en résonance.
L'harmonisation est plus que la simple empathie : c'est un processus de communion et d'unité
du contact interpersonnel. Une harmonisation effective nécessite également que le thérapeute reste simultanément conscient de la frontière entre client et thérapeute, et de ses propres processus internes. L'harmonisation est facilitée par la capacité du thérapeute à anticiper et à observer les effets de son comportement sur le client et à se décentrer de sa propre expérience pour se concentrer sur le processus du client.
Le fait de communiquer l'harmonisation valide les besoins et sentiments du client et pose les fondations nécessaires pour réparer les échecs des relations précédentes. L'harmonisation est
communiquée non seulement par ce que le thérapeute dit, mais également par les mouvements faciaux ou corporels signalant au client que son affect et ses besoins sont perçus, sont signifiants, et ont un impact sur le thérapeute.
L'harmonisation est souvent vécue par le client comme si le thérapeute se déplaçait doucement à travers ses défenses, qui lui ont évité d'être conscient des échecs relationnels et des besoins et sentiments qui y sont reliés. L'harmonisation facilite le contact avec des parties d'Etats du Moi Enfant oubliées depuis longtemps. Avec le temps, cela aboutit à une diminution des interruptions de contact interne et à la dissolution correspondante des défenses externes. La personne peut de plus en plus exprimer ses besoins et sentiments, avec le réconfort et l'assurance qu'ils recevront une réponse empathique et compatissante. Souvent, le
processus de l'harmonisation procure un sentiment de sécurité et de stabilité qui rend le client apte à commencer la remémoration et à supporter de régresser dans les vécus de l'enfance ce qui peut conduire à des prises de conscience sur la douleur des anciens traumas, des anciens échecs relationnels, et sur la perte d'aspects du Soi. On peut classer le processus de l'harmonisation selon le type de résonance et de réciprocité requises pour une relation-en-contact. Cette harmonisation peut concerner le rythme, le stade de développement, la nature de l'affect, ou le besoin relationnel.
L'harmonisation rythmique est l'allure du questionnement et de l'implication thérapeutiques à un tempo et à une cadence qui facilitent au mieux l'élaboration par le client de l'information externe et des sensations, pensées et sentiments internes. D'après notre expérience,
l'élaboration mentale de l'affect se produit souvent à une vitesse différente de celle de l'élaboration cognitive. En présence d'un affect intense, l'utilisation de la perception ou de la cognition peut aller plus lentement que lorsque l'affect n'est pas aussi intense. Souvent, par exemple, la combinaison des composantes affectives de la honte fait que l'élaboration de l'information et l'organisation du comportement vont s'opérer à une vitesse moindre. La honte est un processus complexe impliquant la désappropriation et la rétroflection[1] de la colère, la tristesse de ne pas être accepté comme on est, la crainte du rejet à cause de qui on est, la confluence[2] et la complaisance avec l'humiliation qui interrompt la relation (Erskine, 1994). Les réactions affectives, perceptives, cognitives, comportementales et physiologiques se produisent à des rythmes différents de ce qui se produirait en l'absence de honte.
Certains clients sont rapidement conscients de sensations viscérales et kinesthésiques, tandis que d'autres les élaborent lentement. Les interruptions internes de contact ou n'importe laquelle des défenses psychologiques complexes comme la désafférentation, la désappropriation, le déni ou la dissociation interrompent le rythme naturel de l'élaboration des sensations physiques, affects, perceptions et pensées.
L'harmonisation affective se réfère, quant à elle, à une personne qui ressent l'affect d'une autre personne et y répond par un affect réciproque. Cela commence en accordant à l'affect de la personne la valeur d'une forme extrêmement importante de communication, en étant d'accord pour être stimulé, affectivement, par l'autre personne, et en réagissant par un affect en résonance.
"L'affect est transactionnel-relationnel par sa nature, et nécessite un affect correspondant en résonance" (Erskine, 1994, p.99). La résonance de l'affect d'une personne chez une autre personne procure un contact affectif qui est essentiel aux relations humaines. Symboliquement, l'harmonisation affective peut être dépeinte comme le yin d'une personne venant vers le yang d'une autre, et qui, ensemble, vont former une unité. L'harmonisation affective est la résonance avec l'affect de l'autre, qui fournit un contact interpersonnel non verbal - une unité dans la relation.
Lorsqu'un client se sent triste, l'affect réciproque de compassion, chez le thérapeute, et ses actes de compassion vont rendre complet le contact interpersonnel. En termes de relation, la colère nécessite des affects réciproques, en lien avec l'attention, le sérieux et la responsabilité, avec parfois des actes correctifs. Le client qui a peur requiert que le thérapeute réponde avec un affect et une action qui véhiculent la sécurité et la protection. Lorsque les clients expriment de la joie, la réponse du thérapeute qui complètera l'unité du contact sera l'affect réciproque de vitalité et d'expression du plaisir.
L'harmonisation affective implique une communication non verbale de la part du thérapeute, qui reconnaît, valide et normalise l'affect du client. La présence affective du thérapeute communique que l'affect a une fonction importante dans la relation, et ainsi, donne de la valeur au client - communication d'un respect positif inconditionnel ou "Tu es 0K avec moi"
L'harmonisation aux phases développementales. L'harmonisation avec le niveau de développement psychologique du client et sa façon d'organiser ses expériences est essentielle dans le cadre d'une psychothérapie centrée sur la relation, orientée-vers-le-contact. Le dessein de la focalisation développementale est de répondre au client au niveau d'âge où il y a eu un manque de relation-en-contact, où les fixations se sont produites dans le système de la représentation de soi, des autres, et de la qualité de la vie. Les croyances de Scénario et les défenses archaïques qui y sont reliées représentent des tentatives de la jeune personne pour se débrouiller avec les situations de la vie.
Pour s'harmoniser aux besoins développementaux d'un client, le thérapeute écoute avec une "troisième oreille" ou regarde avec un "troisième oeil" les mots et les comportements du client dans le moment même, pour sentir ce qu'un enfant pourrait bien communiquer. Se fondant fréquemment sur l'âge où un trauma particulier se produisit ou sur l'âge où l'enfant a pris une décision de Scénario, ou une réaction de survie, le thérapeute commence à développer une sensibilité concernant les Etats du Moi Enfant tels qu'ils sont manifestés inconsciemment dans les transactions qui se déroulent. Le fait de sentir cet enfant et ses besoins, ses défis en termes de développement, ses modes de pensée et d'organisation, ses vulnérabilités et ses besoins relationnels va guider le thérapeute dans ses modalités de questionnement, d'interprétation ou d'interaction avec le client.
A titre d'exemple, en réponse à une cliente qui exprimait de la frustration car elle n'arrivait pas à trouver comment parler de ses sentiments, le thérapeute fit la remarque que l'apprentissage du langage procure à l'enfant deux expériences différentes. D'un côté, les mots permettent une meilleure communication et compréhension, ce qui est gratifiant et favorise l'intimité. D'un autre côté, lorsque l'enfant expérimente que les mots ne transmettent pas adéquatement ses sentiments et ce qu'il vit, cela augmente son sentiment d'être séparé et, parfois, de solitude (Stern, 1985). Les larmes dans les yeux de la cliente transmirent que le thérapeute avait compris sa frustration développementale et au moins un des aspects signifiants de la difficulté qu'elle avait dans les relations, depuis toujours - cette expérience non formulée de solitude.
L'harmonisation au niveau développemental est plus facile lorsque le client entre dans un état régressif ou qu'il est capable de décrire les expériences de son Etat du Moi Enfant. Une expérience plus subtile, quoique parfois plus puissante se produit quand le thérapeute s'harmonise aux besoins développementaux du client, à son niveau de fonctionnement et à ses expériences d'enfance, alors que le client est totalement inconscient de tout cela. Par exemple, avec un client qui a grandi en essayant anxieusement de plaire à ses parents séparés et qui avait recours à des vérifications compulsives pour écarter l'anxiété, il parut important de ne pas aborder le fait qu'il soit régulièrement en retard tant qu'il ne pouvait pas identifier ni exprimer sa colère envers ses parents. Vers la fin de la thérapie, il dit à quel point cela avait été important pour lui que le thérapeute n'ait jamais confronté ses retards, faisant de sa thérapie un lieu de sécurité dans lequel il pouvait être libre de ses compulsions.
En s'harmonisant au niveau archaïque de fonctionnement d'une personne directement dans le contexte de la relation thérapeutique, le thérapeute rend possible l'intégration de manières d'être et d'être en relation fixées, dans un ensemble plus dynamique.
Les besoins relationnels
Le processus d'harmonisation inclut également le fait de répondre aux besoins relationnels lorsqu'ils émergent dans la relation thérapeutique. Les besoins relationnels sont les besoins uniques spécifiques pour le contact interpersonnel (Erskine, 1995). Ce ne sont pas les besoins fondamentaux de la vie - tels que la nourriture, l'air, ou la température appropriée - mais les éléments essentiels pour rehausser la qualité de vie et le sentiment de soi-en-relation. Les besoins relationnels sont les composants d'un désir humain universel de relation intime. Bien qu'il puisse exister un grand nombre de besoins relationnels, les huit besoins que nous décrivons dans cet article représentent ceux que nos clients décrivent le plus fréquemment lorsqu'ils évoquent leurs relations importantes. Certains d'entre eux ont également été décrits dans la littérature psychothérapeutique comme besoins fixés datant de la petite enfance, indicateurs de psychopathologie ou transfert problématique (Bach, 1985 ; Basch, 1988 ; Kohut, 1971, 1977 ; Wolf, 1988), tandis que la perspective intégrative de Clark (1991) sur les transactions empathiques fait une passerelle entre les concepts de transfert et de besoins relationnels.
Les besoins relationnels ne sont pas seulement des besoins d'enfance ou des besoins qui émergent selon une hiérarchie développementale ; ils constituent les composants de la relation, présents chaque jour de nos vies. Chacun des huit besoins relationnels est susceptible de se former ou de devenir conscient en tant qu'aspiration ou désir, tandis que les sept autres restent hors de la conscience, ou à l'arrière-plan. Une réponse satisfaisante de la part d'une autre personne à un besoin relationnel chez quelqu'un, va permettre au besoin pressant de passer à l'arrière-plan et à un autre besoin relationnel de venir au premier plan, en tant que nouvel intérêt ou nouveau désir.
C'est souvent en l'absence de satisfaction du besoin qu'un individu va devenir plus conscient de la présence de besoins relationnels. Lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits, le besoin devient plus intense, il est vécu phénoménologiquement comme une attente, du vide, une solitude énervante, ou une impulsion intense, ce qui s'accompagne souvent de nervosité. L'absence continue de satisfaction des besoins relationnels peut se manifester sous la forme de la frustration, l'agression ou la colère. Lorsque des interruptions dans la relation se prolongent, le manque de satisfaction du besoin se manifeste par une perte d'énergie ou d'espoir, et apparaît dans des croyances de Scénario telles que "Il n'y a personne pour moi" ou "à quoi
bon ?" Ces croyances de Scénario sont la défense cognitive contre la prise de conscience de besoins et de sentiments qui se produit lorsque les besoins n'obtiennent pas de réponse satisfaisante de la part d'une autre personne (Erskine, 1980).
La satisfaction des besoins relationnels nécessite la présence en contact d'une personne qui soit sensible et harmonisée aux besoins relationnels et qui procure également une réponse correspondant à chaque besoin. Les huit principaux besoins relationnels que nous observons sont les besoins de :
1. Sécurité :
l'expérience viscérale que nous avons quand nos vulnérabilités physiques et émotionnelles sont protégées. Ceci procure l'expérience que la variété de nos besoins et sentiments est naturelle. La sécurité, c'est le sentiment d'être simultanément vulnérable et en harmonie avec un tiers. Cela inclut l'absence de tout empiètement ou danger actuel ou anticipé.
L'harmonisation implique la conscience empathique du besoin de sécurité existant chez l'autre
au sein de la relation, ainsi qu'une réponse correspondant à ce besoin. La réponse nécessitée consiste à procurer une sécurité physique et affective dans laquelle la vulnérabilité de la personne va se trouver honorée et préservée. Ce qui communique, souvent non verbalement, "tes besoins et tes sentiments sont normaux et je peux les accepter". L'harmonisation thérapeutique au besoin relationnel de sécurité est décrite par les clients comme "acceptation et protection totale", comme la communication d'un "respect positif inconditionnel" ou bien "Je peux être comme je suis dans cette relation". L'harmonisation au besoin de sécurité implique que le thérapeute soit sensible à l'importance de ce besoin, et qu'il/elle se conduise tant sur le plan émotionnel que sur celui du comportement, d'une manière susceptible de procurer la sécurité dans la relation.
2. Validation, affirmation et signification au sein d'une relation :
C'est le besoin que l'autre personne valide la signification et la fonction de nos processus intrapsychiques d'affect, de fantasmes et de construction de sens et qu'elle valide que nos émotions sont une communication intrapsychique et interpersonnelle importante. Ceci inclut le besoin que tous nos besoins relationnels soient affirmés et acceptés comme naturels.
La réciprocité affective du thérapeute avec les sentiments du client valide l'affect du celui-ci, et fournit l'affirmation et la normalisation des besoins relationnels du client.
3. Acceptation par une personne stable, fiable et protectrice :
C'est le besoin de respecter et de se fier à des parents, frères et soeurs plus âgés, professeurs et mentors. Le besoin relationnel d'être accepté par une tierce personne cohérente, sérieuse et digne de confiance est la quête de protection et de guidance, et peut se manifester sous la forme d'une idéalisation de l'autre. En psychothérapie, une telle idéalisation est également la quête de protection face à l'effet intrapsychique de l'Etat du Moi Parent humiliant, contrôlant, sur la vulnérabilité des états du Moi Enfant. Il peut également s'agir d'une recherche de protection face à la propre escalade d'affect ou l'exagération de fantasmes, chez le client.
Le thérapeute protège et facilite l'intégration de l'affect en fournissant l'occasion d'exprimer, contenir, et/ou comprendre la fonction de ces dynamiques. Le degré auquel un individu cherche quelqu'un et espère qu'il/elle sera digne de confiance, cohérent et sérieux est directement proportionnel à la quête de protection intrapsychique, de s'exprimer en sécurité, d'être contenu, ou d'avoir un insight salutaire.
Le fait d'idéaliser ou de dépendre de quelqu'un n'est pas nécessairement pathologique comme c'est sous-entendu dans le terme psychologique répandu "co-dépendant", ou selon l'interprétation erronée de "transfert idéalisant" (Kohut, 1977), ou comme le jeu psychologique décrit par Berne "Vous êtes merveilleux, Docteur !"(1964). Quand nous nous référons à diverses façons d'exprimer ce besoin, chez les clients, d'être acceptés et protégés comme s'il s'agissait du jeu de "une Victime à la recherche d'un Sauveur", nous risquons de déprécier ou même de pathologiser le besoin humain essentiel d'une relation qui procure un sentiment de stabilité, de sérieux et de fiabilité.
En psychothérapie, l'harmonisation implique la reconnaissance, par le thérapeute, souvent non-dite, de l'importance et de la nécessité d'idéaliser, comme étant une exigence inconsciente de protection intrapsychique. Une telle implication thérapeutique inclut à la fois le sentiment, chez le client, que le psychothérapeute s'intéresse à son bien-être, et l'utilisation par le thérapeute du sentiment intégré de soi, comme étant l'outil thérapeutique le plus efficace (Erskine, 1982a).
Ce besoin relationnel d'être accepté par une tierce personne stable, fiable et protectrice est une raison, centrée sur le client, de conduire nos vies et nos pratiques de psychothérapeutes sur un mode éthique et moral.
4. Confirmation de l'expérience personnelle :
C'est le besoin de recevoir confirmation de l'expérience se manifeste à travers le désir d'être en présence de quelqu'un qui est similaire, qui va comprendre du fait qu'il/elle a eu semblable expérience, et dont l'expérience, partagée, va avoir valeur de confirmation. L'harmonisation se produit quand le thérapeute met en valeur le besoin de confirmation en révélant précautionneusement des expériences personnelles sélectionnées - en partageant, d'une manière attentive (c'est-à-dire centrée sur le client) ses points de vulnérabilité ou des sentiments ou fantasmes similaires - en étant présent personnellement et énergétisé.
L'affirmation de l'expérience du client peut, par exemple, inclure que le thérapeute rejoigne le client dans ses fantasmes, ou leur reconnaisse de la valeur. Plutôt que de définir l'histoire interne que se raconte le client comme "ce n'est qu'un fantasme", il est indispensable d'engager le client à exprimer les besoins, espoirs, conflits relationnels et stratégies de protection susceptibles de constituer le noyau des fantasmes. L'harmonisation au besoin d'affirmer l'expérience vécue peut être accomplie par le fait que le thérapeute accepte tout ce qui est dit par le client, même lorsque fantasme et réalité se trouvent entremêlés, de la même manière que le récit d'un rêve va révéler le processus intrapsychique. Les images ou symboles des fantasmes ont une fonction intrapsychique et interpersonnelle signifiante. Lorsque la fonction du fantasme est reconnue, appréciée et reconnue dans sa valeur, la personne se sent confirmée dans son expérience.
Le client qui a besoin d'une confirmation de son expérience personnelle requiert dans la réciprocité, une réponse spécifique, différente de celle faite au client qui a besoin que son affect soit validé, ou à celui qui a besoin d'être accepté par un tiers fiable et protecteur.
Dans aucun des deux derniers besoins relationnels cités, le partage de l'expérience personnelle ou la création d'une atmosphère de réciprocité mutuelle ne sont une réponse harmonisée au besoin du client.
5. La définition de soi :
C'est le besoin relationnel consistant à connaître et à exprimer le fait que nous sommes uniques et à recevoir la reconnaissance et l'acceptation de cela, par l'autre. La définition de soi est la communication de l'identité choisie par nous-mêmes, au travers de l'expression de préférences, centres d'intérêts et idées, sans humiliation ni rejet.
En l'absence d'une reconnaissance et d'une acceptation satisfaisantes, l'expression de la définition de soi peut revêtir des formes inconscientes d'hostilité, par exemple comme la personne qui commence ses phrases par "Non..." même lorsqu'elle est d'accord, ou qui s'embarque continuellement dans des disputes ou dans la compétition. Souvent, les gens entrent en compétition pour maintenir le sentiment de leur propre intégrité. Plus les gens se ressemblent, plus ils vont forcer sur la compétition pour se définir.
L'harmonisation thérapeutique se produira par le soutien constant, de la part du thérapeute, de l'expression de l'identité du client, et par le fait que le thérapeute normalisera le besoin de définition de soi. Ceci requiert de la part du thérapeute, qu'il soit présent et en contact de façon continue, et qu'il soit respectueux, même face à un désaccord.
6. Le besoin d'avoir un impact sur l'autre :
L'impact étant ici : exercer une l'influence qui affecte l'autre d'une manière désirée. Un sentiment individuel de compétence dans la relation émerge de l'action et de l'efficacité - à savoir, attirer l'attention et l'intérêt de l'autre, exercer une influence sur ce qui peut intéresser l'autre, et amener l'autre à un changement d'affect ou de comportement.
L'harmonisation avec le besoin du client d'avoir un impact se produit quand le psychothérapeute se permet à lui-même/elle-même d'être "impacté"[3] émotionnellement par le client, de répondre avec compassion quand il est triste, de procurer un affect de sécurité quand il est effrayé, de le prendre au sérieux quand il/elle est en colère, et d'être excité quand il est joyeux. L'harmonisation peut inclure le fait de solliciter les critiques du client sur le comportement du thérapeute, et d'opérer les changements nécessaires pour que le client ait le sentiment d'exercer un impact dans la relation thérapeutique.
7. Le besoin que l'autre prenne l'initiative :
L'initiative se réfère à l'impulsion pour se mettre en contact interpersonnel avec une autre personne. C'est s'avancer vers l'autre de manière à reconnaître et valider son importance dans la relation.
Il peut arriver que le psychothérapeute soit sujet à un contre-transfert induit par la théorie s'il applique universellement les concepts méthodologiques de non gratification, Sauvetage ou auto-responsabilité. Quand il attend que ce soit le client qui prenne l'initiative, il se peut que le thérapeute ne tienne pas compte du fait qu'un comportement qui apparaît passif puisse être, en réalité, l'expression du besoin relationnel que ce soit l'autre qui prenne l'initiative.
Pour répondre au besoin du client, il peut s'avérer nécessaire que le thérapeute prenne l'initiative du dialogue, qu'il quitte son siège et vienne s'asseoir près du client, ou qu'il lui téléphone entre les séances. La volonté du thérapeute de prendre l'initiative du contact interpersonnel ou de prendre la responsabilité de la plus grande part du travail thérapeutique normalise le besoin, chez le client, que quelqu'un d'autre s'avance dans sa direction.
8. Le besoin d'exprimer l'amour :
L'amour est souvent exprimé au travers d'une gratitude paisible, d'une reconnaissance, par l'affection qu'on donne, ou par ce qu'on fait pour l'autre personne. L'importance du besoin relationnel consistant à donner de l'amour - que ce soit des enfants en direction des parents, frères et soeurs, professeurs, ou du client envers le thérapeute - est souvent négligé dans la pratique de la psychothérapie. Quand l'expression de l'amour est dans une impasse, l'expression de soi-même-en-relation se trouve contrariée. Il arrive trop souvent que les psychothérapeutes traitent l'expression, par leurs clients, de leur affection comme si c'était une manipulation, un transfert, ou la violation d'une frontière de neutralité thérapeutique.
Quant aux clients chez qui l'absence de satisfaction des besoins relationnels est cumulative, ils requièrent une harmonisation cohérente et fiable, et une implication du thérapeute qui donne acte, valide et normalise les besoins relationnels et l'affect qui s'y rapporte.
C'est par la présence soutenue et en-contact du psychothérapeute que les traumatismes cumulatifs (Khan, 1963) venant du manque de satisfaction des besoins peuvent être abordés et qu'on peut leur apporter une réponse au sein de la relation thérapeutique.
L'implication
L'implication thérapeutique qui inclut le fait de reconnaître, valider et normaliser, ainsi que la présence, diminuent les processus défensifs internes. La reconnaissance du client par le thérapeute commence par une harmonisation avec l'affect du client, ses besoins relationnels, son rythme et son niveau de fonctionnement, en termes de développement.
Par sa sensibilité aux besoins relationnels ou à l'expression physiologique d'émotions, le thérapeute peut guider le client vers la prise de conscience et l'expression de ses besoins et sentiments, ou l'amener à reconnaître que les sentiments et les sensations physiques peuvent être des souvenirs - peut-être la seule façon de se remémorer, qui soit disponible. Dans de nombreux cas d'échec de la relation, les besoins relationnels de la personne ou ses sentiments n'ont pas été reconnus, et il peut être nécessaire, au cours de la psychothérapie, de l'aider à se doter d'un vocabulaire et à apprendre à verbaliser ces besoins et ces sentiments. Le fait de reconnaître les sensations physiques, les besoins relationnels et l'affect, va aider le client à revendiquer sa propre expérience phénoménologique. Ceci inclut un tiers réceptif qui connaisse et communique au sujet de l'existence de mouvements non verbaux, de tensions musculaires, de l'affect, ou même du fantasme.
Des confrontations occasionnelles et bienveillantes, sélectionnées soigneusement, constituent également une partie de la reconnaissance. Une confrontation est une affirmation ou une question utilisée par le thérapeute pour amener à la conscience du client, un décalage entre ses perceptions et comportements, ou entre ses croyances de scénario et les événements réels.
(Erskine, 1982b, 1991b). Le but de la confrontation est, pour le client comme pour le thérapeute, de reconnaître l'existence, puis la signification de comportements, d'interruptions de contact, ou de croyances de scénario. L'utilité de la confrontation est reliée au fait de découvrir, pour le client, la fonction psychologique du comportement ou de la réaction défensive, et la validation, par le thérapeute, de sa signification archaïque. Les confrontations ne sont efficaces que si elles sont faites avec respect et sans humiliation, de telle sorte que le client expérimente que son bien-être s'en trouve augmenté.
Peut-être y a-t-il eu des époques, dans la vie d'un client, où ses sentiments et ses besoins relationnels étaient reconnus mais non validés. La validation communique au client que son affect, ses défenses, ses sensations physiques ou schémas comportementaux sont reliés à quelque chose de significatif dans son expérience. La validation fait un lien de cause à effet ; elle donne de la valeur aux idiosyncrasies individuelles et aux façons d'être en relation. Elle diminue la possibilité, pour le client, de se désapproprier ou de nier, intérieurement, la signification de l'affect, de la sensation physique, des souvenirs, ou des rêves. Et elle soutient le client dans la valorisation de son expérience phénoménologique et sa communication transférentielle de la relation qui lui est nécessaire, ce qui a pour effet d'augmenter l'estime de lui-même.
Quant à la normalisation, elle vise à changer la façon dont les clients ou les autres classent ou définissent leur expérience intérieure, ou leurs tentatives comportementales de s'en sortir, à partir d'une perspective pathologique, ou fondée sur "il y a quelque chose qui cloche en moi", pour passer à une perspective qui respecte les tentatives archaïques de résolution de conflits.
Il peut être essentiel que le thérapeute contre des messages sociétaux ou parentaux du type "tu es idiot d'avoir peur" par "n'importe qui aurait peur, dans cette situation". Toutes sortes de flash-backs, fantasmes bizarres et cauchemars, comme bien des confusions, paniques et attitudes défensives sont des phénomènes normaux quand on fait face à des situations anormales. Il est impératif que le thérapeute communique au client que son vécu est une réaction défensive normale - une réaction que beaucoup de gens auraient s'ils rencontraient des expériences similaires dans la vie.
La présence est offerte par les réactions continues et harmonisées du thérapeute tant aux expressions verbales que non verbales du client. Elle se produit quand le comportement et la communication du psychothérapeute respecte et augmente à chaque fois l'intégrité du client. La présence inclut la réceptivité du thérapeute à l'affect du client - c'est-à-dire recevoir l'impact de ses émotions, être ému tout en restant apte à répondre à l'impact des émotions du client, sans devenir angoissé, déprimé ou en colère. La présence est une expression du plein contact interne et externe, chez le thérapeute. Elle communique que le thérapeute est responsable, fiable et qu'on peut dépendre de lui. C'est la présence entière du thérapeute qui rend possible la puissance transformatrice d'une psychothérapie orientée-vers-la-relation. La présence décrit comment le thérapeute va fournir une relation interpersonnelle sûre. Bien plus qu'une simple communication verbale, la présence est une communion entre client et thérapeute.
La présence s'accroît quand le thérapeute se décentre par rapport à ses propres besoins, sentiments, fantasmes ou espoirs et qu'il se centre, à la place, sur le processus du client. La présence comporte également l'inverse du décentrage, à savoir être en plein contact avec ses réactions et son propre processus interne. L'histoire du thérapeute, ses besoins relationnels, sa sensibilité, ses théories, son expérience professionnelle, sa propre psychothérapie et les lectures qui l'intéressent, tout cela va former des réactions uniques au client. La présence implique, de la part du thérapeute, qu'en même temps, il apporte sa richesse d'expériences dans la relation thérapeutique, qu'il se décentre de son soi, et qu'il se centre sur le processus du client.
La présence inclut également le fait de se permettre d'être manipulé et modelé par le client, d'une manière telle qu'elle l'aide à l'expression de soi. Les clients vont jouer avec nous, psychothérapeutes efficaces, et nous allons sincèrement devenir l'argile qui va être malaxée et modelée pour s'ajuster à l'expression, par le client, de son monde intrapsychique, vers la création d'un nouveau sentiment de soi et de soi-en-relation (Winnicott, 1965).
L'implication du thérapeute à travers des transactions qui reconnaissent, valident et normalisent l'expérience phénoménologique du client, son système d'organisation et son intégrité, est l'antidote face à la toxicité relative à la méconnaissance de l'existence, de la signification ou de la responsabilité de résoudre les ruptures de la relation-en-contact. La présence fiable et harmonisée du thérapeute va contrer la méconnaissance, par le client, de sa propre valeur. (Erskine, 1994)
La juxtaposition
Le psychothérapeute qui est impliqué et qui est sensible à la relation thérapeutique nécessaire peut stimuler, chez le client, une réaction à la juxtaposition entre le contact harmonisé offert par le thérapeute et les souvenirs émotionnels de dysharmonies passées (Erskine, 1991a, 1993). La juxtaposition se situe dans le contraste entre ce qui est fourni dans la thérapie, comme la sensibilité réciproque et harmonisée dans la relation thérapeutique, et ce dont le client a eu besoin jadis, ce qu'il espérait désespérément, et qu'il n'a pas vécu. Cela représente un défi pour le système de Scénario du client, et pour son homéostase psychologique.(Bary & Hufford, 1990). La juxtaposition stimule des souvenirs émotionnels que le client risque alors d'essayer d'évacuer de sa conscience. Le client peut manifester l'existence de la juxtaposition en repoussant le thérapeute après avoir été dans une rencontre proche avec lui, en lui reprochant de s'être centré sur son "état de besoin", en arrivant en retard, ou en annulant une séance suivant une autre séance, au cours de laquelle le client s'était permis de dépendre de la réciprocité affective du thérapeute, ou de sa sensibilité aux besoins relationnels.
Ce type de réaction à la juxtaposition de l'implication harmonisée du thérapeute et des souvenirs émotionnels du client peut indiquer que le psychothérapeute mène la thérapie plus vite que ce que le client peut intégrer de son expérience. Dans les cas d'abus sexuels ou de mauvais traitements physiques, ou de traumatismes cumulatifs liés à une longue dysharmonie en termes d'affect et de besoins relationnels, les réactions du client à la juxtaposition peuvent également indiquer que l'intensité de l'implication thérapeutique est trop grande pour permettre un sentiment de sécurité. La réaction à la juxtaposition se produit lorsque le système défensif du client, ou sa façon de se débrouiller pour faire face sont relâchés, que les fonctions d'auto-protection sont transférées sur la relation thérapeutique plus vite que ne le permet le processus homéostatique. L'implication sensible du thérapeute consiste en un ajustement continuel de l'harmonisation rythmique et affective, de la qualité de sensibilité aux besoins relationnels, et d'un respect pour la fonction homéostatique de l'intégrité du client et de sa manière de faire face.
Résumé
Une psychothérapie de la relation, orientée vers le contact, qui se centre sur le questionnement, l'harmonisation et l'implication correspond au besoin actuel du client d'une relation émotionnellement nourrissante, qui soit restauratrice et procure du soutien. Le but visé par cette sorte de thérapie est l'intégration des expériences chargées d'affect et des Etats du moi fragmentés, et une réorganisation intrapsychique des croyances fixées, chez le client, sur lui-même, les autres et la qualité de sa vie.
Le contact va faciliter la dissolution des défenses et l'intégration des parties non appropriées de la personnalité. Par le contact, les expériences non appropriées, inconscientes et non résolues deviennent partie intégrante d'un soi cohérent. Dans la psychothérapie intégrative, le concept de contact est le point central à partir duquel partent les interventions cliniques. Le transfert, la régression en termes d'Etats du moi, l'activation de l'influence intrapsychique de l'introjection, et la présence de mécanismes de défense et de croyances de Scénario, sont autant d'éléments à comprendre comme indications de déficits antérieurs dans la relation et le contact. Le plein contact intrapsychique et interpersonnel devient possible lorsqu'un client
expérimente que le thérapeute (1) reste harmonisé au rythme, à l'affect et aux besoins du client, (2) est sensible au fonctionnement psychologique du client aux âges développementaux dont il s'agit, (3) respecte chaque interruption de contact et défense auto-protectrice, (4) et qu'il s'intéresse à comprendre la façon dont le client construit le sens.
Les quatre dimensions du fonctionnement humain - affectif, comportemental, cognitif et physiologique - sont un guide important lorsqu'il s'agit de déterminer où une personne est ouverte ou fermée au contact, et donc, au soutien du thérapeute. L'un des buts majeurs de la psychothérapie intégrative est d'utiliser la relation thérapeute/client - la capacité à créer du contact dans le présent - comme un accès vers des relations satisfaisantes avec les autres, et vers un sentiment de soi plein et unifié.
Un des principes qui guident cette psychothérapie intégrative, orientée-vers-le-contact, est le respect de l'intégrité du client. Par le respect, la gentillesse, la compassion, et en maintenant le contact, nous établissons une présence personnelle et rendons possible une relation interpersonnelle permettant l'affirmation de l'intégrité du client. Les méthodes qui allègent le conflit intrapsychique, facilitent la guérison du Scénario, résolvent le transfert, et promeuvent l'intégration d'un Moi fragmenté, sont fondées sur la croyance que la guérison se produit principalement au travers du contact interpersonnel de la relation thérapeutique.
C'est avec l'intégration qu'il devient possible, pour une personne, d'être spontanée et souple à tout moment, pour résoudre les problèmes de la vie et pour se relier aux autres.
Richard G. Erskine, Ph.D, et Rebecca L. Trautmann, R.N., M.S.W., sont co-directeurs de l'Institut de Psychothérapie Intégrative à New York. Ils sont Analystes Transactionnels, Didacticiens et Superviseurs dans le champ clinique.
Si vous souhaitez des tirés à part de cet article, merci de vous adresser à Richard Erskine,
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Tel. 212-734-5291 ; Fax 212-879-6618 ; E-mail : 72233.37 acompuserve.com
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[1]terme emprunté au vocabulaire de la Gestalt Therapie
[2]Idem
[3]ce néologisme traduit au plus près le terme anglais ("to be impacted") NdT